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création de la nouvelle troupe que déjà elle tenait la campagne; le général en chef l’emmenait avec lui à la première expédition de Medeah. Les zouaves reçurent le baptême du feu au col de Mouzaïa, que plusieurs fois ils devaient arroser de leur sang et illustrer par leur valeur. Ils restèrent ensuite deux mois à Medeah, où le général Clausel s’était décidé à laisser une petite garnison de Français et d’indigènes. Il est difficile de se figurer ce qu’il fallut de courage, d’industrie et de résignation aux premiers détachemens laissés dans les camps ou places de l’intérieur de l’Algérie, sans cesse devant l’ennemi, veillant et combattant nuit et jour, ne quittant le fusil que pour prendre la pioche, forcés de tout créer, réduits aux derniers expédiens pour vivre, sans nouvelles, sans consolations d’aucun genre. A Medeah, en 1830, les souffrances furent peut-être un peu moins vives que durant les occupations postérieures, parce qu’une partie de la population était restée dans la ville. Cependant c’était encore une rude épreuve, et les zouaves la supportèrent vaillamment. La place fut souvent attaquée; ils étaient toujours aux avant-postes. Un de leurs capitaines fut tué près de la ferme du Bey. C’est le premier sur la liste des officiers zouaves tués en Afrique, longue et glorieuse liste qui rappelle les plus illustres souvenirs de l’ancienne et de la nouvelle France, où un fils du duc d’Harcourt[1], qui avait porté le sac et le mousquet, figure à côté d’un Bessières[2] et d’un grenadier de l’île d’Elbe, Peraguey[3], dont la tête grise avait si longtemps été entourée du respect de ses jeunes camarades.

Medeah fut évacué par les troupes françaises au commencement de 1831; mais au mois de juin de la même année, le général Berthezène y conduisit une partie de l’armée pour appuyer l’autorité du faible bey que nous y avions établi. Au retour de cette expédition, l’arrière-garde fut attaquée avec fureur, comme elle descendait du col de Mouzaïa. Les troupes étaient fatiguées par une longue marche de nuit,. épuisées par une chaleur accablante; la colonne s’était allongée sur un étroit sentier de montagnes; l’officier qui commandait à l’arrière-garde tombe blessé, et ses soldats, isolés, sans chefs, entourés par l’ennemi, reculent en désordre, lorsque le commandant Duvivier, voyant le péril qui menace l’armée, accourt avec le 2e bataillon de zouaves. Les indigènes poussent leur cri de guerre; les volontaires de la Charte, qui portaient encore la blouse gauloise,

  1. Tué en 1840; il venait d’être nommé sous-lieutenant.
  2. Neveu du maréchal duc d’Istrie, tué à l’assaut de Laghouat en 1852. Un autre de ses frères avait déjà été tué en Afrique. Le capitaine Bessières a été amèrement regretté de tous ceux qui avaient pu apprécier son noble caractère et son admirable courage. Dans son ancien régiment, le 17e léger, on disait souvent « brave comme Bessières. »
  3. Tué en 1845. Il était alors chef de bataillon.