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dont les noms (en faisant violet de deux syllabes) forment un vers mnémonique alexandrin. L’expérience n’est pas nouvelle. Les Romains et les Grecs l’avaient faite, et Néron, qui en mourant plaignait le monde de perdre en lui un si grand artiste (qualis artifex pereo!) l’avait chantée en vers. Un enfant qui souffle une bulle de savon lui fait aussi produire des couleurs splendides, quoiqu’il n’y ait pour illuminateur que la lumière blanche du jour. En un mot, toute lame mince d’une substance quelconque se colore fortement sous les rayons blancs qu’elle reçoit. Les surfaces rayées par intervalles égaux offrent des effets non moins brillans, en sorte que, pour habiller certains insectes du plus éclatant vêtement, il a suffi à la nature de rayer le fourreau qui les enveloppe. Les globules du nuage qui est entre la lune et nous produisent aussi les plus vives couleurs avec de la lumière blanche, et, au-dessus de tout en beauté, l’iris ou arc-en-ciel, que le soleil avec ses rayons incolores peint de mille couleurs dans les gouttes de pluie qui tombent à l’opposé de lui, nous présente encore des effets de lumière décomposée. Toujours la nature, avec une palette qui n’est pour ainsi dire chargée que de blanc, trouve l’art de déployer dans ses tableaux le luxe et la magie du coloris le plus brillant.

Mais nous n’avons point encore épuisé toutes les ressources de ce coloris, dont le secret est dans la lumière elle-même. Comment expliquer le blanc de la neige, qui couvre notre planète aux deux pôles et sur les cimes élevées des vastes chaînes de nos montagnes ? Comment expliquer le vert des contrées revêtues d’arbres et de plantes, le bleu de la vaste mer aérienne qui enveloppe la terre, et enfin le bleu verdâtre des océans qui en recouvrent la plus grande partie ? — Ici la science est en défaut. La cause des couleurs propres des corps est encore à peine entrevue, et nous pouvons répéter en 1855 ce qu’à la fin du XVIIe siècle écrivait Huygens : « Malgré les travaux de monsieur Newton, on peut dire que personne n’a encore trouvé la cause des couleurs dans les corps. » Il faudra donc admirer, sans en pénétrer le secret, le rouge sans pareil du rubis oriental, le jaune pur de la topaze, le vert sans mélange de l’émeraude, le bleu velouté du saphir, le riche violet de l’améthyste. Ce n’est pas la seule chose que nous laisserons à savoir à la postérité.

Dans l’énumération qui va suivre, nous placerons les pierres précieuses selon leur valeur actuelle. Cet ordre varie peu en général pour chaque peuple. Cependant, lorsqu’une demande plus active fait hausser le prix d’une sorte de gemmes, il arrive presque toujours qu’on en voit arriver sur le marché une quantité excédant les besoins, et que le prix en est momentanément réduit. C’est ce qui a lieu aujourd’hui pour les belles opales de la Hongrie, dont les mines,