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le peu de durée résultant de la mollesse de la pâte, et on les tailla avec soin. Plus tard, ces parures, étant ainsi devenues accessibles à un plus grand nombre de personnes, furent demandées et travaillées au rabais, et par suite avilies. D’ailleurs, la richesse nationale augmentant de jour en jour, et l’insuffisance du strass pour la beauté et la durée se faisant de plus en plus sentir, on préféra une dépense plus grande pour une valeur impérissable à un moindre prix payé en pure perte. Il est loin de nous, le temps où la duchesse de Berry, arrivant en France, ne recevait que du strass pour parures de noces, et où, pour faire au duc de Wellington un cadeau en diamans de moins d’un million, le commerce de Paris était obligé d’en emprunter à la liste civile un certain nombre, à charge de restitution en pareille matière. A quelques années de là, j’étais à Londres dans la maison Rondel avec M. Knight, de Forster-Lane, lorsqu’une simple demoiselle de comptoir (en anglais fille de comptoir), indignée de nous voir regarder dans une montre vitrée des diamans ordinaires, nous jeta avec mépris une parure composée d’un collier ou rivière de diamans, d’un bracelet et d’une croix, le tout d’une valeur de 72,000 livres, c’est-à-dire 1,800,000 francs. Des affaires ayant appelé la demoiselle hors de la pièce où nous étions, M. Knight ne voulut pas partir avant la restitution de ce trésor, qui cependant ne nous avait pas été remis en mains propres, puisqu’il avait été dédaigneusement jeté sur la table qui était devant nous. Il eut quelque peine à trouver la fille, qui ne lui répondit que par un sec very well, sir! (c’est bien, monsieur!) Aujourd’hui le commerce de Paris achète et propose en vente l’Etoile du sud, l’un des cinq diamans souverains de l’Europe, en ne comptant pas le diamant bleu de M. Hope.

Avant de parler des pierres de couleur, une première question se présente, et l’on se demande si la science peut expliquer la coloration de ces gemmes. Il est, je pense, bien peu de lecteurs de cette Revue qui ne sachent que les rayons blancs que le soleil nous envoie, comme tous les autres rayons blancs, savoir ceux de la lune, des planètes et des étoiles, ne sont pas de la lumière simple; dans bien des cas, ils se décomposent en un grand nombre de rayons colorés. Ainsi, quand la lumière du soleil traverse la baguette triangulaire de cristal appelée prisme, elle s’y brise et va tracer sur un carton blanc une belle bande irisée, dans laquelle Newton a marqué sept couleurs, d’après des idées d’analogie avec les sept notes de la musique, idées qui depuis se sont trouvées sans aucun fondement, puisque chaque prisme donne sa bande irisée particulière. Newton choisit les sept couleurs que voici :

Violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge.