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vivre, et puis pourquoi auraient-ils bâti des maisons sur des terrains qu’il leur était interdit de posséder ?

L’aspect des campagnes hongroises est donc encore tel qu’au XVe siècle. D’énormes villages sont séparés par des espaces qui communiquent au voyageur la froide et lugubre impression d’un désert, quand on les traverse à toute autre époque que celle des cultures. Pendant la période des travaux, les hommes vont par caravanes s’établir sur les lots qui leur sont confiés, et ils s’y abritent sous des baraques en planches que le seigneur fournissait autrefois moyennant un florin payé annuellement. Il ne reste plus dans les grands centres que les femmes, les enfans et les vieillards. Seulement, dans la nuit du samedi au dimanche, les cultivateurs qui ne sont pas trop éloignés du village, lancés sur un de ces petits chevaux du pays qui fendent si rapidement l’espace, vont au village afin de passer un jour avec leur famille, qu’ils quitteront le lendemain. Avec ces besoins de locomotion, on sentira bientôt les avantages d’une voie ferrée. On a lieu de croire d’ailleurs que le paysan, dès qu’il aura amorti ses redevances, éprouvera le besoin de se construire un gîte sur le sol dont il sera devenu le propriétaire. La population rurale abandonnera ses campemens fortifiés pour se répandre et s’épanouir dans de belles campagnes. Les anciens centres ruraux deviendront de petites villes à la mode européenne, où se caseront les propriétaires rentiers, les commerçans et les industriels. Transformation des villages en cités, construction de métairies dans les campagnes, transports d’ouvriers et de matériaux pour toutes ces bâtisses, échanges entre la campagne et les villes, tout cela est dans les probabilités et profitera au chemin de fer.

On a tracé la voie ferrée destinée à exploiter la région orientale de l’empire autrichien dans les provinces hongroises qui sont le plus favorisées, par la nature, le plus avancées en civilisation. Le chemin de Hongrie, partant de Vienne, va d’abord jusqu’à un lieu nommé Marchegg. Cette petite ville est le point de départ de la seconde ligne, dite du sud-est, achetée par la compagnie franco-allemande. De Marchegg, cette ligne tend vers l’est jusqu’à Pesth, en passant par Presbourg et en traversant une douzaine de ces petites villes ou plutôt de ces campemens ruraux[1] dont nous venons de

  1. Il n’est pas inutile de mentionner les centres agricoles dont plusieurs seraient en France des villes de second ordre. Dans la section de Presbourg à Pesth, on trouve Landchutz, Warberg, Dioszegh, Sellye, Galantha, Torniez, Neuhaüsel, Gran, ville archiépiscopale, Nagi-Marosz, Wisegrad, Waitzen. — Depuis l’embranchement de Czeghedt jusqu’à Szegedin, la ligne passe par Nagy-Koros, Kesskemet, Ksongrad, village agricole de 30,000 âmes, etc. Ces noms, si nouveaux pour nous, sont relevés sur la carte officielle de l’administration autrichienne, publiée en 1854.