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françaises, et l’autre du mois de décembre, qui déclare applicable dans la Hongrie, la Transylvanie et la Croatie le code civil allemand refondu en 1811, conformément aux exigences du génie moderne.

Il est facile de comprendre à présent la pensée qu’avait le gouvernement autrichien en se dessaisissant d’une partie importante de son domaine, et en achetant par des avantages exceptionnels le concours d’une puissante association financière. Sa libéralité, qui ressemble à du laisser-aller, n’est que l’effet d’un habile calcul. A part l’urgence de rétablir l’état monétaire du pays en y attirant des espèces métalliques, il y a un intérêt de premier ordre pour la cour de Vienne à consacrer, par de rapides et brillans progrès, les réformes qui ont relevé sa fortune. Il faut, pour consolider son œuvre, que le paysan émancipé se passionne pour sa nouvelle condition, et que l’aristocratie trouve dans la prospérité commune quelque compensation à ces sacrifices qu’elle s’imposait noblement elle-même quand elle se croyait victorieuse, et qu’aujourd’hui, hélas ! elle subit comme vaincue. L’espoir du succès en Hongrie repose sur les chemins de fer et sur la mise en valeur de ces fiefs qui, successivement rattachés à la couronne, composeraient un domaine territorial d’une valeur inappréciable, s’il était utilisé. La triste expérience des régies administratives est faite en Autriche comme partout ailleurs. Le seul parti qui restât à prendre était de confier la régénération industrielle de la Hongrie à des hommes connus par leur sagacité et leur entrain comme spéculateurs, et exerçant sur l’opinion publique une incontestable fascination par leurs succès multipliés.

Une pareille mission était de nature à séduire MM. Pereire. Il est dans la nature de leur esprit de rattacher à leurs combinaisons industrielles quelques préoccupations sociales : c’est cette tendance qui en a fait un type à part dans le monde financier; mais ils savent que les affaires industrielles n’ont une action sociale qu’à la condition d’être de bonnes affaires : c’est un genre de propagande qui a son originalité. Ils n’ont donc traité avec le gouvernement autrichien qu’en se ménageant les chances d’un brillant succès.

Le tracé du réseau autrichien présente sur la carte deux lignes qui se coupent diagonalement et forment une espèce de croix en se rencontrant à Vienne : l’une va du nord-est au sud-ouest, c’est-à-dire de la Pologne russe à l’Adriatique; l’autre du nord-ouest au sud-est, c’est-à-dire de la Bohême jusqu’aux extrémités de la Hongrie. Cette dernière ligne appartient presque en totalité à l’état. Sans être dans la confidence des négociations qui ont eu lieu entre les hommes politiques et les hommes de finance, nous présumons que la cour de Vienne aurait préféré vendre seulement le chemin de Hongrie. Celui-ci, qui n’est pas achevé, offre de séduisantes éventualités; mais les