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Tout annonce que l’Espagne avait autrefois beaucoup de bois. Les ravages des troupeaux, et surtout l’incendie (car les pâtres espagnols avaient, comme les Arabes, l’habitude de mettre le feu aux broussailles pour écarter les loups), ont presque tout détruit. On s’aperçoit aujourd’hui de cette immense faute, et on revient sur ses pas. De tous les points de la Péninsule, on a envoyé des collections de bois. Celle du corps royal des ingénieurs forestiers était complète. On y remarquait de nombreuses variétés de chêne, entre autres le chêne-liège (quercus suber) et le chêne à glands doux (quercus ballotta). L’Espagne produit le meilleur liège de l’Europe ; nous seuls, nous lui en achetons tous les ans pour 3 ou 4 millions. Les glands doux de l’Andalousie sont énormes comme ses olives.

L’inconvénient des défrichemens de montagne n’a été nulle part plus sensible qu’en Toscane. Toutes les hauteurs du val de l’Arno n’offrent plus à l’œil que des rocs décharnés. Là aussi, on a reconnu la nécessité de réparer le mal ; une partie du Casentino a été concédée à des moines camaldules qui y font de vastes semis. Les Maremmes se peuplent de pins et de chênes-lièges. Ces louables efforts donnent déjà des résultats, on nous en a montré les preuves. Dans d’autres parties de l’Italie, on possède encore quelques forêts. Ces contrées ont leurs essences spéciales qui valent bien celles du Nord. Les vaisseaux construits avec les bois du Midi sont les meilleurs et les plus durables.

Le gouvernement hellène s’occupe aussi de cette question, puisqu’il avait exposé des échantillons de soixante-dix-sept espèces, appartenant aux forêts de l’état dans l’Achaïe et dans l’Elide. La Grèce a besoin d’un repeuplement général. Si nous en croyons les témoignages des anciens, elle était naturellement boisée. Homère parle à tout moment, soit dans l’Iliade, soit dans l’Odyssée, des ombrages séculaires qui couvraient de son temps les montagnes. Tout un peuple de dieux, faunes aux pieds de chèvre et dryades aux danses lascives, habitaient ces forêts, dont les chênes rendaient des oracles. Bien des siècles après, Virgile vante encore, dans des vers délicieux que nous savons tous par cœur, les fraîches vallées de l’Hémus et l’ombre immense de ses bois. Ailleurs il donne à l’île de Zacynthe l’épithète de nemorosa. Toute cette verdure a disparu, une affreuse stérilité la remplace ; c’est à peine si les hardis marins de l’Archipel trouvent encore de quoi construire leurs légers navires.

Ainsi, sur tous les points du monde, le bois excite un intérêt universel. Les uns ne songent qu’à l’exploiter, d’autres travaillent à le reproduire ; tous s’accordent à le considérer comme un des principaux instrumens de la civilisation. Il n’y a pas de nation un peu avancée qui n’ait au moins un institut forestier ; la Russie elle-même