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ce n’est même que parce qu’il devient très élevé, que les bois coloniaux peuvent soutenir la concurrence. L’Angleterre est encore la première à nous donner ici le bon exemple. Tout en prenant du bois partout où elle en trouve, même aux antipodes, elle attache à ses propres ressources une attention croissante. Il ne peut être question de rendre à la forêt des terrains plus utilement occupés par des prairies ou des céréales, mais partout où le sol se montre peu propre à la culture, notamment dans les montagnes du pays de Galles et de l’Écosse, on plante tant qu’on peut. Les grands propriétaires se font tous un devoir d’y contribuer. C’est par milliers d’hectares que se comptent tous les ans les plantations nouvelles, surtout en conifères résineux, et ces forêts artificielles reçoivent les soins les plus assidus. Après avoir longtemps fait la guerre aux bois, l’Angleterre est aujourd’hui la principale patrie de la sylviculture ; les bois y rapportent à surface égale le double de ce qu’ils donnent en France, et ils doivent rapporter un jour bien davantage.

La collection des essences forestières anglaises a fait partie de leur exposition agricole. Elle était rangée dans le même ordre méthodique et témoignait de la même sollicitude. On y trouvait, à côté des espèces indigènes, comme le chêne, le hêtre et le pin d’Écosse, les espèces étrangères importées, avec la date de leur introduction ; ainsi l’épicéa leur est venu d’Allemagne en 1603, le mélèze des Alpes en 1629, le cèdre d’Orient en 1683, le chêne scarlet de l’Amérique du Nord en 1691, et ainsi de suite. Ces belles espèces sont aujourd’hui répandues à l’égal des indigènes. Le mélèze et l’épicéa couvrent de proche en proche les vallées de la haute Écosse ; les plus beaux cèdres du monde ne sont plus dans le mont Liban, mais sur les bords de l’Avon, dans les propriétés de lord Warwick. Parmi les acquisitions plus modernes, on doit citer le deodora ou cèdre de l’Himalaya et le sapin de Douglas, le premier pour la beauté de son bois et de son port, le second pour la rapidité de sa croissance. Douglas, qui lui a donné son nom, était un de ces explorateurs intrépides que l’Angleterre envoie dans toutes les parties du monde ; il est mort à la peine dans les Montagnes-Rocheuses. Parmi les espérances de l’avenir figure une autre espèce de sapin, récemment découverte en Californie, et qui a reçu le nom de Wellington gigantea ; si ce qu’on en raconte est vrai, ce serait bien autre chose que le fameux baobab : ce sapin arrive, dit-on, dans son pays natal, à plus de 100 mètres, c’est-à-dire à la hauteur de la flèche des Invalides.

L’empire d’Autriche a un tiers de son territoire, ou 20 millions d’hectares, en forêts, la plupart sans débouchés. On sait que le gouvernement autrichien en a cédé récemment environ 100,000 hectares à une compagnie. Les envois faits à l’exposition montrent qu’on