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et qui ont porté si glorieusement le pavillon français dans la Mer-Noire et la Mer-Baltique. Il faut maintenant la renouveler, car si rien n’est plus brillant qu’une forte marine militaire, rien n’est plus cher. Un vaisseau à trois ponts armé coûte 3 millions ; un bâtiment à vapeur de 960 chevaux en coûte 4. Un jour viendra sans doute où notre marine marchande, dégagée des entraves qui l’étouffent sous prétexte de la protéger, prendra aussi l’essor qui lui appartient ; ce jour-là, ce ne sera plus de 50,000 mètres cubes qu’il s’agira, mais de 500,000, car l’industrie des transports est encore à son enfance dans le monde. Entre autres merveilles de l’exposition, on remarquait le modèle d’un bateau à vapeur de 23,000 tonneaux, en construction à Londres, sous la direction de M. Brunel. Ce géant des mers, qui a 225 mètres de long sur 25 de large, et 2,500 chevaux de force, doit employer une quantité prodigieuse de bois, sans parler des autres matériaux ; il absorberait à lui seul la moitié de l’approvisionnement annuel de notre marine marchande, car on compte ordinairement un mètre cube par tonneau, et on parle déjà d’en faire de plus monstrueux encore.

Après la marine viennent les chemins de fer. Chaque kilomètre à double voie nécessite l’emploi de 2,000 traverses de bois équarri, ayant chacune un dixième de mètre cube. Il faut donc pour les 10,000 kilomètres concédés en France 2 millions de mètres cubes ; il en a fallu tout autant pour les 10,000 kilomètres exécutés dans le royaume-uni. Les ingénieurs attribuent à ces traverses une durée moyenne de dix ans, ce qui suppose, pour le seul entretien, une consommation annuelle de 200,000 mètres cubes, soit en France, soit en Angleterre, et ces chiffres s’augmenteront aussi, suivant toute apparence, dans une proportion énorme, car les chemins de fer n’en resteront pas là. Nous surtout, nous ne pouvons nous contenter, pour un territoire comme le nôtre, des concessions faites jusqu’ici. Une nouvelle tentative est à l’essai qui doit accroître considérablement, si elle réussit, ce genre de consommation ; c’est l’établissement de rails en bois sur les accotemens des routes ordinaires. On va commencer par les Landes ; on continuera sans nul doute sur d’autres points, car la circulation des bandes ne peut donner une idée de ce que serait, dans un pays riche et peuplé, la masse des transports qui prendraient cette voie. Les ponts, les stations, les débarcadères, les wagons, les guérites demandent des quantités considérables de bois. Voilà tout un ordre de débouchés qui n’existait pas il y a quelques années, et qui prouve une fois de plus combien le progrès de la civilisation développe de besoins nouveaux et imprévus.

En troisième lieu, l’industrie du bâtiment, qui est la plus importante. M. Tassy, ancien professeur de sylviculture à l’Institut national