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indiquer les moyens les plus sûrs de se rendre à Sedan. En même temps il négociait avec Richelieu par le moyen du père Joseph. La fin de l’année 1636 et toute l’année 1637 se passèrent en ces intrigues, qui échouèrent par la peur qu’au moment d’agir éprouvèrent les conjurés à s’embarquer dans une pareille entreprise. Le comte de Soissons finit par s’accommoder avec Richelieu par l’intermédiaire de son beau-frère, le duc de Longueville, tout en conservant l’intention de se séparer du cardinal et de le détruire dès qu’il en trouverait une bonne occasion. Pendant cette paix de courte durée, le confident du comte de Soissons travaille à lui faire des partisans par tous les moyens. Il se lie avec Cinq-Mars, et tandis que le comte a un engagement secret avec une personne qu’il aime et qui n’est pas ici nommée, Alexandre de Campion ne laisse pas de faire espérer sa main à diverses princesses et à leurs familles. En 1640, le complot, qui n’avait jamais été entièrement abandonné, se ranime entre le duc de Bouillon et le comte de Soissons. Le grand-écuyer, sans y entrer directement, promet son appui. Le père de Gondi, autrefois général des galères, maintenant prêtre de l’Oratoire, père du duc de Retz et du futur cardinal, les présidens de Mesmes et Bailleul, sont consultés, non comme complices, mais comme amis. Le pénétrant Richelieu les devine, et les éloigne de la cour et de Paris. Après être resté quelque temps sur ce théâtre périlleux, où il vit souvent l’abbé de Retz[1], Campion est bientôt réduit à fuir lui-même à Sedan. On l’envoie à Bruxelles négocier avec l’Espagne. C’est alors qu’il connut Mme de Chevreuse. La politique fit-elle seule les frais de cette liaison ? Nous l’ignorons ; mais lorsque Alexandre de Campion raconte au comte de Soissons tout ce qu’il doit à Mme de Chevreuse, le comte, jeune et galant, plaisante un peu son jeune et galant gentilhomme sur ses succès auprès de la belle duchesse, et celui-ci lui répond avec une apparente modestie, mêlée d’assez de fatuité : « 3 juin 1641. M. de Châtillon (qui commandait l’année envoyée par Richelieu contre les rebelles) ne vous fait guère de peur, puisque vous songez à me railler dans votre lettre, et c’est me savoir peu de gré des services que je vous rends en réunissant une illustre personne avec vous, et en vous procurant une amie qui ne l’avoit jamais été. Elle est persuadée de votre amitié par les complimens que vous lui faites dans votre lettre ; mais si elle avoit vu celle que vous m’écrivez, peut-être n’agiroit-elle pas avec tant de chaleur, vos railleries n’étant pas trop obligeantes pour elle. Elle a écrit au comte-duc, de sorte que son assistance ne vous sera pas inutile ; même, comme elle a tout pouvoir

  1. Mémoires, t. Ier, p. 26.