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est remplacé par M. Benedetti, qui a été pendant quelque temps chargé d’affaires à Constantinople. S’il s’est propagé d’autres bruits de modification ou de recomposition ministérielle, le gouvernement les a démentis.

De tous les faits intérieurs d’une autre nature qui s’accomplissent, l’un des plus considérables, l’un des plus éclatons au point de vue matériel est sans nul doute le développement des chemins de fer. Chaque jour, quelque nouveau tronçon est mis en circulation, et bientôt l’immense réseau s’étendra sur la France entière, coupée et sillonnée par la vapeur. Il arrive périodiquement qu’on publie le chiffre des recettes des chemins de fer, et on s’applique à faire ressortir les rapides progrès réalisés d’année en année, de mois en mois. Le chiffre des recettes grossit en effet chaque jour, et c’est là un point très satisfaisant tout d’abord pour les actionnaires ou les compagnies. Il ne faudrait pas cependant que tout fût grand dans les chemins de fer, même les accidens et les malheurs qu’ils causent. Or c’est là justement depuis quelques mois un des objets de la préoccupation publique. Les accidens se sont succédé sur diverses lignes ; des malheurs sont arrivés. Quelle est la cause de ces événemens douloureux ? Sont-ils au-dessus de toute prévoyance humaine ? Pourraient-ils au contraire se rattacher par quelque côté à ce chiffre croissant des recettes, c’est-à-dire à l’accumulation des trains sur une même voie ? Le gouvernement a pris l’initiative d’une enquête sur ces questions, a institué des conférences où elles doivent être débattues. Ce qu’il y a d’obscur pour le public se dissipera vraisemblablement, et des mesures seront prises pour garantir la vie des hommes. À part leurs sentimens d’humanité, qui ne sont point en cause, les administrateurs des chemins de fer eux-mêmes sont intéressés à ce qu’il en soit ainsi ; il y a pour eux une responsabilité qu’ils ne sauraient éluder. Cette responsabilité tient surtout au monopole qu’ils exercent. Il n’est point sans doute au pouvoir des directeurs de chemins de fer, comme on l’a dit, de supprimer l’imperfection humaine et d’empêcher l’ivresse, le sommeil ou l’oubli d’un employé inférieur ; mais ils ont la liberté du choix de leurs employés, le soin exclusif des moyens qu’ils ont à prendre, de même qu’ils recueillent les profits de l’entreprise, — et c’est ce qui constitue leur responsabilité. À un point de vue général, les chemins de fer sont encore un fait économique, très mystérieux, très incertain dans ses conséquences. Ils contribuent à l’accroissement de la richesse publique, cela est vrai ; mais quelle est la nature de cet accroissement, quelle est sa portée réelle, quels sont ses caractères, et quelle sera son influence sur la société tout entière ? Ce sont là autant de problèmes qui se lient à cette autre grande question du mouvement industriel Contemporain, au milieu duquel vacillent toutes les notions morales et pâlissent les lumières de l’intelligence. Il y a là une lutte obscure et formidable avant que le jour se fusse de nouveau, et éclaire dans leur marche les peuples modernes.

Si l’on observe bien, il y a au moment présent un sentiment indéfinissable des faiblesses de l’esprit littéraire et un besoin instinctif de rechercher un autre ordre d’inspirations et d’émotions. De là des essais et des tentatives de toute sorte, principalement dans le roman, le plus éprouvé des genres littéraires. Où fendent ces essais ? quel est le caractère de ces tentatives ?