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à la cuisson, — en outre d’acquérir une certaine odeur de fenaison peu convenable. Ce sont ces inconvéniens qu’on a réussi à faire disparaître. Il suffit en effet de soumettre, un instant avant la dessiccation, les légumes à la vapeur surchauffée pour coaguler les matières albuminoïdes végétales et en prévenir la légère altération ultérieure, pour rendre également plus perméables les cellules qui renferment les sucs nutritifs et faciliter la pénétration de l’eau qui doit hâter la cuisson. On jugera de l’importance de ce perfectionnement quand on saura qu’il suffit maintenant d’une immersion dans l’eau froide ou tiède pendant trente ou soixante minutes pour obtenir le résultat qui exigeait naguère une immersion de six ou dix heures, qu’en outre toute saveur ou odeur de fenaison a disparu pour faire place aux caractères naturels, rappelant l’arôme et la saveur spéciales de ces alimens végétaux.

Chacun comprendra les immenses avantages que présente une alimentation avec des légumes frais, venant tempérer et presque détruire les inconvéniens d’une nourriture exclusive de biscuits d’embarquement et de viandes salées dans les voyages de long cours, et pour les approvisionnemens des armées en campagne et des voyageurs. Ces avantages ont été si bien appréciés, que l’industrie nouvelle a pris rapidement un développement considérable : en 1850, on a produit dans la première usine, à Paris, 22,000 kilos de ces conserves, et 1,200,000 kilos en 1854. Les fondateurs des deux systèmes forment aujourd’hui une seule et même compagnie, dont les produits atteindront en 1855-56 le chiffre de 4 millions de légumes secs, représentant 60 millions de légumes frais récoltés dans six localités différentes.

L’intérêt qu’offrent ces divers procédés dans leurs rapports avec l’alimentation publique nous ramène à la question principale traitée dans cette étude, et sur laquelle nous ne dirons plus qu’un mot en terminant. Nous croyons avoir montré que la production de la viande est insuffisante en France, mais que l’on possède aujourd’hui des données certaines sur les développemens à introduire dans la consommation de cette denrée et dans les industries chargées de l’assurer. Nous croyons avoir montré aussi qu’en présence de la rareté des viandes fournies par les éleveurs nationaux, notre pays possède dans l’application de quelques procédés ingénieux un moyen puissant de pourvoir avec économie à l’alimentation publique. C’est encore à la science qu’est due la découverte de ces perfectionnemens, et ici, comme pour l’alimentation en céréales, son double but, — salubrité et bon marché, — a été, on peut le dire, pleinement atteint.


PAYEN, de l’Institut.