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Au retour du vaisseau, on réunit tous les échantillons afin de procéder à l’examen définitif ; mais cet examen fut en quelque sorte rendu inutile, car dès avant l’ouverture des caisses le résultat non douteux de l’expérience se manifestait à distance de chacune d’elles par des émanations nauséabondes sur lesquelles il était impossible de se méprendre.

Nouveau dans son application à la chair musculaire et dans ses résultats, le procédé de conservation des viandes par la dessiccation nous parait aujourd’hui consacré par l’expérience. Il n’est pas sans analogie avec une autre invention qui a rendu d’immenses services à nos flottes, à nos armées, et dont les heureuses conséquences se propagent dans les approvisionnemens de l’économie domestique parmi toutes les classes de la population. Cette invention, dont les produits, dignes du plus haut intérêt, ont figuré avec honneur à l’exposition universelle, — due aux persévérens efforts d’un simple jardinier, — a reçu les plus hauts témoignages d’approbation de l’Académie des Sciences, des Sociétés centrales d’Agriculture et d’Horticulture, de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, enfin du jury international à l’occasion du grand concours ouvert à Londres en 1851. Tout porte à croire qu’elle sera jugée aussi favorablement dans le concours universel qui, au moment où nous écrivons, est à la veille de se terminer.

Le procédé de conservation et de compression des légumes s’exploite actuellement, non-seulement en France, mais encore en Angleterre, en Belgique, en Allemagne et jusqu’en Russie. Créé chez nous, il vient, comme le procédé d’Appert, d’y recevoir des améliorations notables, grâce au concours de plusieurs chimistes manufacturiers soutenus par une honorable association financière. Le moyen primitivement employé consiste à dessécher rapidement, dans un courant d’air chauffé à une température peu élevée, les légumes nettoyés, étendus sur des toiles claires. Lorsque la dessiccation est à son terme, et que les produits, exposés à l’air, y ont repris de la souplesse avec un peu d’humidité, l’opération se termine par une forte pression sous des machines hydrauliques. On réduit tellement ainsi le volume, que les feuilles comestibles des choux, des épinards, les bourgeons dits choux-fleurs et les petits choux de Bruxelles forment des tablettes aussi compactes et pesantes que des planchettes en bois. Et, chose bien remarquable, toutes ces parties des plantes alimentaires, lorsqu’une tablette comprimée est mise dans dix fois son volume d’eau tiède, se gonflent et reprennent leurs dimensions et leur coloration primitives.

On ne reprochait à ces utiles produits que d’exiger une longue immersion dans l’eau avant de pouvoir être convenablement soumis