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potasse). Les propriétés antiseptiques des trois substances s’ajoutent ou agissent Simultanément ; elles préviennent toute altération, sans opérer cette contraction de la fibre musculaire, cette sorte d’induration caractéristique des salaisons ordinaires. Et lorsque l’air ambiant a consolidé les chairs en vaporisant une partie de l’eau renfermée dans les tissus, la consistance devient plus ferme, et la conservation est assurée pour longtemps, sans qu’il soit besoin d’enfermer ces produits dans des vases hermétiquement clos et toujours dispendieux. Les viandes préparées de cette façon offrent, même à l’état cru, un aliment plus agréable, bien plus facile à digérer et plus profitable que les salaisons ordinaires. La préparation serait peu dispendieuse, si, dans l’intérêt de l’accroissement des subsistances, il était loisible à chacun d’y employer les agens antiseptiques (sel, sucre, salpêtre) exempts de droits. On parviendrait peut-être alors à rendre l’opération plus économique, soit en substituant en partie au salpêtre du sulfate de soude, soit en remplaçant par des procédés mécaniques les manipulations des morceaux de viande, et en hâtant l’évaporation à l’aide d’une ventilation forcée.

Il nous reste à parler d’un procédé de conservation qui parut d’abord offrir les plus remarquables avantages, ou du moins fit une grande sensation parmi les gens du monde. Le résultat semble cependant jusqu’ici bien loin de justifier les espérances qu’on avait conçues. Peut-être n’est-il pas hors de propos de prémunir le public à cet égard. Ce n’est pas d’ailleurs un moyen nouveau, bien qu’on l’ait présenté comme tel. Darcet et d’autres étaient parvenus, il y a longtemps, à garantir pendant quelques semaines les viandes d’altération. en les enrobant d’une solution de gélatine assez concentrée pour former sur toute la superficie du morceau une couche continue, épaisse de trois ou quatre millimètres, sensiblement imperméable à l’air. Placée dans ces conditions, la chair musculaire semblait à l’abri de la fermentation putride, mais il était impossible de prévenir toute altération mécanique ou chimique de l’enveloppe elle-même : le moindre frottement d’un corps anguleux et dur l’entamait, un excès momentané d’humidité ou le contact de quelques gouttes d’eau devait y déterminer des moisissures capables de perforer cette enveloppe organique en la liquéfiant. Toutefois quelques succès obtenus d’abord inspirèrent une si grande confiance aux directeurs de l’une de ces entreprises, qu’un essai en grand fut proposé, puis exécuté avec le concours des administrations de la guerre et de la marine. Des viandes, préparées sous les yeux des représentai de ces administrations, furent enfermées dans des caisses ; une partie de celles-ci restèrent dans des magasins entretenus à une température douce par le voisinage des fours de boulangerie ; le surplus des caisses dûment scellées fut chargé à bord d’un navire allant à Constantinople.