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ni l’épeautre ; le premier ne vient que dans les régions les plus méridionales, le second n’est cultivé qu’en Suisse et en Allemagne. Restent le triticum sativum et le triticum turgidum. Les principales variétés anglaises et écossaises de ces deux espèces sont maintenant bien connues en France comme plus productives que les nôtres, et elles commencent à se répandre parmi les meilleurs cultivateurs de la Flandre et de la Picardie. Je signalerai entr autres une espèce de poulard, dite common rivet, qui rapporte d’ordinaire, sur un sol bien préparé, de 30 à 40 hectolitres à l’hectare.

Un des signes les plus caractéristiques d’une mauvaise culture est l’indifférence sur la qualité des semences. Il en est des espèces végétales comme des animales : si les soins hygiéniques et la bonne nourriture font beaucoup, un bon choix de reproducteurs n’a pas moins d’importance. Quand on confie à la terre des semences avariées, mélangées de substances étrangères et de graines parasites, ou seulement d’une maturité douteuse et d’une nature abâtardie, on doit s’attendre à de grands déficits de récolte. Quand au contraire on se sert de semences triées avec soin, parfaitement propres, saines, vigoureuses, appartenant à des espèces supérieures, on est récompensé au centuple. La production et la vente des bonnes semences forment une industrie comme une autre, qui se perfectionne en se spécialisant. Plus la culture est avancée dans un pays, plus le commerce des graines de semence y prospère.

Je sais que l’expérience de cette année n’a pas été favorable aux blés d’origine anglaise qui s’introduisaient dans le nord de la France. L’hiver ayant été plus rude que ceux de leur île, la plupart ont gelé. C’est une preuve entre mille de l’extrême prudence qu’il faut apporter à toute importation agricole, ce n’est pas une raison pour douter du principe. Cherchons à rendre ces variétés moins sensibles au froid, choisissons parmi les nôtres celles qui produisent le plus ; tous les moyens sont bons, pourvu que le but soit atteint. Tandis que, dans certaines parties de la France, le blé rend six ou sept hectolitres à l’hectare ou trois fois la semence seulement, un propriétaire des environs de Dunkerque, M. Vandercolme, expose cette année un blé d’Australie, venu chez lui, qui lui a donné 66 hectolitres, c’est-à-dire dix fois plus. Si prodigieux qu’il soit, ce rendement ne paraît pas impossible quand on étudie la végétation du froment. On a vu tel grain, appartenant à la variété la plus productive et placé dans les conditions les plus favorables, produire 100 épis de 100 grains chacun, ou 10,000 grains en tout. Pline parle d’une gerbe envoyée à Auguste qui contenait 400 tiges sorties d’un seul pied.

Les variétés anglaises d’avoine et d’orge présentent les mêmes