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places, et, s’il est descendu de quelques degrés, il conserve encore, il conservera longtemps l’estime des connaisseurs. Son fils a pu citer avec orgueil, dans la biographie dont nous avons déjà parlé, les ventes de collections où les tableaux paternels ont obtenu des prix supérieurs à ceux qu’en avaient d’abord donnés les patrons de l’art national, les George Beaumont, les Thomas Heathcote, les Samuel Rogers, etc. À peine le nom de William Collins fut-il sorti de l’obscurité, et longtemps avant qu’il eût obtenu les honneurs académiques (février 1820), on paya ses toiles sans difficulté 100, 140, 150 guinées (2,500, 3,500, 3,750 francs). Plus tard, on les estima couramment 250, 300 et 400 livres sterling (6,250,7,500,10,000 francs), et la générosité de certains millionnaires, tels que Robert Peel, les porta quelquefois au-delà[1]. Voir des travaux aussi honorablement rétribués croître encore de valeur quand, du cabinet du riche amateur, ils passent sous le marteau des enchères à la criée, n’est-ce pas une preuve assez éloquente des sympathies accordées à un artiste ?

On nous pardonnera ces détails, en apparence étrangers à notre sujet, qui n’est pas la biographie du peintre Collins, si l’on songe qu’il va être question de son fils, et que l’un des premiers ouvrages de M. Wilkie Collins a été consacré à la mémoire de son père. Ce monument, élevé par sa piété filiale, n’inspire pas seulement une vive sympathie pour l’artiste dont il raconte la vie honnête et pure ; il nous ouvre aussi quelques vues sur les origines du talent que nous voulons apprécier : double source d’intérêt pour nous et pour ceux qui voudront bien accorder quelque attention à cette étude.

M. Wilkie Collins, né, on vient de le voir, en 1824, n’avait que douze ans lorsque son père, entraîné par l’exemple de Wilkie, voulut, lui aussi, retremper son talent par les voyages, et partit pour l’Italie. Sa famille l’accompagnait ; elle le suivit à Gênes, à Pise, à Florence, à Rome, à Naples, et il est aisé de voir que ce voyage ne fut pas perdu pour l’aîné des deux enfans que Collins initiait ainsi à la vie nomade et charmante de l’artiste voyageur. Bien que le biographe s’efface autant qu’il le peut, et en toute occasion, devant le personnage vénéré dont il veut perpétuer la mémoire, la vivacité de ses souvenirs l’emporte quelquefois, et nous l’entrevoyons alors, derrière son père, jouissant de la beauté des sites, de la nouveauté des physionomies, de l’originalité des costumes, heureux de sa vie d’aventures, et suivi de l’œil avec intérêt par son affectionné parrain, qui l’oublie rarement dans ses lettres. « Comment vont les jeunes gentlemen ?…

  1. En 1827, le tableau intitulé A Frost Scene fut payé 500 guinées. C’est le prix le plus élevé que nous rencontrions dans le curieux catalogue des tableaux de William Collins, dressé par les soins assidus de son fils.