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éditions du code mosaïque, conçues sur le ton de la prédication, et dont on relevait l’autorité par certaines fraudes pieuses, se répandent ; des cantiques composés par des lettrés et empreints de quelque rhétorique réchauffent dans les âmes le zèle du mosaïsme. Un style lâche, prolixe, mais plein d’onction, dont nous trouvons le type dans l’œuvre de Jérémie, caractérise ces productions. Inutile d’ajouter que chaque recrudescence de piété était accompagnée d’une recrudescence d’intolérance et de persécution contre tout ce qui n’était pas conforme au monothéisme le plus pur.

Une profonde modification se manifeste en même temps dans la manière de sentir. Un esprit de douceur, un sentiment délicat de compassion pour le faible, l’amour du pauvre et de l’opprimé, avec des nuances inconnues de l’antiquité, se font jour de toutes parts. La prophétie de Jérémie et le Deutéronome sont déjà sous ce rapport des livres chrétiens. L’amour, la charité naissent dans le monde. En même temps grandissait l’idée chérie d’Israël, l’attente d’un roi modèle qui ferait régner Dieu dans Jérusalem et réaliserait les anciens oracles. On crut longtemps que ce roi parfait allait venir ; mais quand on vit Josias réaliser presque l’idéal du souverain théocratique et périr misérablement, l’espérance se trouva déplacée. Le système très simple sur lequel reposait l’édifice social d’Israël, le pacte de Dieu et de la nation, en vertu duquel, tant que la nation serait fidèle à Jéhovah, elle serait heureuse et triomphante, ce système, dis-je, ne pouvait échapper aux plus rudes démentis. Les prophètes chargés d’appliquer cet étrange ; principe devaient avoir plus d’une lutte à soutenir contre la réalité. Souvent les époques où la piété était le plus vive furent les plus malheureuses, et on peut dire que la catastrophe finale surprit Israël au milieu d’une période d’assez grande ferveur. Endurci contre les déceptions, habitué à espérer contre l’espérance, Israël en appela de la lettre à l’esprit. L’idée d’un royaume spirituel de Dieu et d’une loi écrite non sur la pierre, mais dans les cœurs, lui apparut comme l’aurore d’un nouvel avenir.

Pendant qu’au sein de Jérusalem s’agitaient ces délicates questions d’où dépendait l’avenir religieux du monde, s’établissaient en Orient d’immenses et toutes puissantes monarchies auxquelles la destruction du royaume de Juda devait à peine coûter un effort. Les Hébreux, avec leurs idées si simples en fait d’organisation politique et militaire, éprouvèrent une vive impression d’étonnement et de terreur quand ils se trouvèrent pour la première fois en présence de cette redoutable organisation de la force, de ce matérialisme impie et brutal, de ce despotisme où le roi usurpait la place de Dieu. Les prophètes, aveugles selon la chair, clairvoyans selon l’esprit, ne cessaient de repousser la seule politique qui pût sauver Israël, de battre en brèche la royauté et d’exciter par leurs menaces et leur puritanisme