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avec l’évêque Grégoire et M. de Sacy, vit encore[1], mais il ne parait pas qu’après lui la connaissance de la langue et des traditions samaritaines doive se continuer. Aujourd’hui que tout le monde cherche en Orient quelqu’un à protéger, qui songera à ces pauvres Samaritains ?

Il est remarquable du reste que le prophétisme dans le royaume du nord fut d’abord un élément de perturbation politique encore plus grave que dans le sud, et y rendit impossible toute loi d’hérédité, tandis qu’à Jérusalem le prestige de la maison de David et le privilège incontesté des lévites maintinrent une sorte de droit divin pour la succession au trône et au sacerdoce. Élie et son école nous représentent ce moment de la toute-puissance prophétique, faisant et défaisant les dynasties, gouvernant en réalité sous le nom de rois en tutelle. Les plus belles pages du livre de M. Ewald sont celles où il expose le rôle et le caractère d’Élie. Ce géant des prophètes, par sa vie anachorétique, par le costume particulier qu’il portait, par sa retraite invisible dans les montagnes, d’où il ne sortait, comme un être surnaturel, que pour porter ses menaces et disparaître aussitôt, tranche fortement avec la physionomie plus simple des prophètes anciens et l’école moins ascétique des prophètes lettrés. Une grande révolution ne tarda pas, en effet, à s’opérer dans la forme du prophétisme. Les prophètes de l’école d’Élie et d’Élisée n’écrivaient pas : à l’ancien prophète homme d’action succède le prophète écrivain, ne cherchant sa force que dans la beauté de la parole. Ces étonnans publicistes enrichirent les écritures hébraïques, limitées jusque-là au récit historique, au cantique et à la parabole, d’un genre nouveau, d’une sorte de littérature politique, alimentée par l’événement du jour, et à laquelle la presse et la tribune des temps modernes peuvent seules être comparées.

Autant l’avenir profane d’Israël semblait détruit sans retour, autant ses destinées religieuses s’agrandissaient. Les derniers temps du royaume de Juda présentent l’un des mouvemens religieux les plus étonnans de l’histoire. Les premières origines du christianisme sont là. L’ancienne religion hébraïque, simple, sévère, sans théologie raffinée, n’est presque qu’une négation. Vers le temps dont nous parlons, un piétisme exalté, représenté par les réformes d’Ézéchias et surtout de Josias, introduit dans le mosaïsme des élémens nouveaux. Le culte se centralise de plus en plus à Jérusalem ; la prière commence. Le mot de dévotion, qui ne correspond à rien dans l’ancienne religion patriarcale, commence à avoir un sens. De nouvelles

  1. Voyez l’opuscule de M. L’abbé Barges intitula les Samaritains de Naplousse, Paris 1855.