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de son mouvement appartenait de droit aux prophètes. Israël ne pouvait rallier l’humanité autour d’une même loi qu’en écartant d’abord scrupuleusement toute influence étrangère ; la conservation du monothéisme ne demandait ni étendue, ni variété d’esprit, mais une inflexible ténacité.


III

David et Salomon représentèrent durant soixante ans (dix siècles environ avant l’ère chrétienne) le plus haut degré de gloire et de prospérité temporelle que les Hébreux aient jamais atteint. Désormais tous leurs rêves de bonheur se tourneront vers un idéal composé de David et de Salomon, un roi puissant et pacifique, qui régnera d’une mer à l’autre et dont tous les rois seront tributaires. À quel moment cette pensée féconde, d’où naîtra le Messie, fit-elle son apparition en Israël ? La critique ne le dira jamais. Ces idées, écloses au fond de la conscience d’une nation, n’ont pas de commencement ; comme toutes les œuvres profondes de la nature, elles cachent leur origine dans de mystérieuses ténèbres. L’idée de l’empire du monde est-elle née dans Rome à un moment donné ? Non ; elle est aussi ancienne que Rome même, et fut en quelque sorte scellée dans la première pierre du Capitole. La foi au Messie, vague, obscure, entremêlée d’éclipsés et d’oublis, repose de même dans les plus antiques assises d’Israël.

L’inaptitude des Hébreux à un grand rôle politique se dévoile de plus en plus. À partir de Roboam, ils sont presque toujours en vasselage, d’abord sous l’Égypte, puis sous l’Assyrie, puis sous la Perse, puis sous les Grecs, puis sous les Romains. Une cause particulière accéléra la ruine de leur puissance temporelle. La tribu de Juda, arrivée à la prépondérance par la victoire de David, ne réussit jamais à étouffer l’individualité des autres tribus et à fonder l’unité de la nation. Les tribus du nord de la Palestine, groupées autour de celle d’Ephraïm, aspiraient à se séparer et ne supportaient qu’impatiemment leur dépendance religieuse de Jérusalem. Les dépenses considérables de Salomon, qui pesaient lourdement sur les provinces et ne profitaient qu’à la capitale, achevèrent de séparer les intérêts du nord et du sud. Ephraïm, avec sa montagne de Garizim, rivale de Sion, sa ville sainte de Béthel, ses nombreux souvenirs de l’âge patriarcal, était sans contredit la plus considérable des individualités qui luttaient contre l’action absorbante de Jérusalem. La rivalité de ces deux familles principales des Israélites date des époques les plus reculées de leur histoire. Au temps des juges, Éphraïm, par le séjour de l’arche à Silo et par son importance territoriale, tint