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berça notre enfance sont devenus, grâce à une saine interprétation, de hautes vérités, et c’est à nous qui voyons Israël dans sa réelle beauté, c’est à nous autres critiques qu’il appartient vraiment de dire : Stantes erant pedes nostri in atriis tuis, Jérusalem !

Si nous envisageons dans son ensemble le développement de l’esprit hébreu, nous sommes frappés de ce haut caractère de perfection absolue qui donne à ses œuvres le droit d’être envisagées comme classiques, au même sens que les productions de la Grèce, de Rome et des peuples latins. Seul entre tous les peuples de l’Orient, Israël a eu le privilège d’écrire pour le monde entier. C’est certainement une admirable poésie que celle des Védas, et pourtant ce recueil des premiers chants de la race à laquelle nous appartenons ne remplacera jamais, dans l’expression de nos sentimens religieux, les Psaumes, œuvre d’une race si différente de la nôtre. Les littératures de l’Orient ne peuvent, en général, être lues et appréciées que des savans ; la littérature hébraïque, au contraire, est la Bible, le livre par excellence, la lecture universelle : des millions d’hommes ne connaissent pas d’autre poésie. Il faut faire sans doute, dans cette étonnante destinée, la part des révolutions religieuses, qui, depuis le XVIe siècle surtout, ont fait envisager les livres hébreux comme la source de toute révélation ; mais on peut affirmer que si ces livres n’avaient pas renfermé quelque chose de profondément universel, ils ne fussent jamais arrivés à cette fortune. Israël eut, comme la Grèce, le don de dégager parfaitement son idée, de l’exprimer dans un cadre réduit et achevé. La proportion, la mesure, le goût, furent en Orient le privilège exclusif du peuple hébreu, et c’est par là qu’il réussit à donner à la pensée et aux sentimens une forme générale et acceptable pour tout le genre humain.

Grâce à cette adoption universelle, nulle histoire n’est plus populaire que celle d’Israël, et pourtant nulle histoire n’a tardé plus longtemps à être comprise. C’est le sort des littératures qui deviennent la base d’une croyance religieuse de contracter la rigidité du dogme, et de perdre leur physionomie réelle et vivante pour devenir une sorte de symbolique convenue, où l’on va chercher des argumens pour toutes les causes. Bossuet a pu tirer de l’histoire du peuple le plus opposé à la monarchie qui ait jamais existé une justification de la politique de Louis XIV ; tel autre en a conclu la théocratie ; tel autre y a vu la république. L’Allemagne seule, avec ce don de pénétration historique qui lui semble spécialement départi pour les époques primitives, aperçut la vérité, et fit de l’histoire du peuple juif une histoire comme une autre, dressée non d’après des vues théologiques arrêtées d’avance, mais d’après l’étude critique et grammaticale des textes. Le travail de l’exégèse biblique, construit pierre