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Dans ces œuvres ingénieuses trouvées sur tous les points de l’Italie, on rencontre souvent la forme humaine mêlée aux caprices les plus hardis. La collection du chevalier Campana, bien connue des voyageurs qui ont visité Rome, n’est pas moins précieuse que celle des Studj, et contient même quelques échantillons que le musée de Naples ne possède pas. Pour ma part, j’ai la ferme confiance que l’étude des bijoux antiques pourrait exercer parmi nous une action très salutaire. En reportant l’esprit des femmes vers la simplicité, non-seulement elle ajouterait à la beauté des plus belles, mais une fois la dépravation du goût effacée dans l’orfèvrerie, il est probable qu’elles arriveraient à introduire le bon sens dans la forme de leurs vêtemens, et cette dernière réforme ne serait pas sans importance pour la peinture.

Cependant, si l’orfèvrerie et l’ébénisterie veulent retrouver leur ancienne splendeur, ce n’est pas au passé seulement qu’elles doivent s’adresser. La renaissance et l’antiquité sont pour ces deux industries d’excellentes institutrices, et ne leur suffisent pourtant pas. Qu’il s’agisse de ciseler l’or ou de sculpter le chêne, de manier l’ébauchoir ou le pinceau pour exprimer la forme, c’est l’invention qui doit jouer le principal rôle. Les copies les plus habiles n’ont qu’une valeur secondaire dans les arts du dessin. Si je conseille aux orfèvres d’étudier les bijoux des Studj et les vitrines du Louvre consacrées à la renaissance, ce n’est pas pour qu’ils reproduisent servilement ce qu’ils auront vu, mais pour qu’ils puisent dans cette étude des moyens d’expression qu’ils ne trouveront jamais dans les époques accréditées depuis vingt-cinq ans. Si l’orfèvrerie et l’ébénisterie veulent se relever et revenir à leurs beaux jours, il faut qu’elles créent des modèles nouveaux, et pour créer des modèles nouveaux, quelle que soit la fécondité des artistes qu’elles appelleront à leur secours, elles n’auront qu’à gagner dans le commerce de la renaissance et de l’antiquité, car elles trouveront à Naples et au Louvre des œuvres élégantes où le caprice est toujours soumis au goût le plus pur. Puis, une fois familiarisés avec cet art savant, lorsqu’ils tenteront d’inventer à leur tour, les orfèvres arriveront sans peine à la simplicité. Or chacun sait que cette dernière condition est aujourd’hui trop souvent méconnue.

Quelques lecteurs m’accuseront peut-être d’avoir traité bien gravement des questions qui paraissent au plus grand nombre ne relever que de la fantaisie. Cependant je crois que pour parler Utilement de l’ébénisterie et de l’orfèvrerie, il était nécessaire d’interroger les diverses époques de l’art. Depuis six mois, combien n’a-t-on pas écrit de pages pour recommander les meubles et les bijoux exposés au Palais de l’Industrie ! Ces louanges prodiguées avec une générosité