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Ainsi donc, que l’on discute plus ou moins vivement sur les motifs qui ont fait agir l’Angleterre, qu’on lui attribue ou non un but intéressé, un fait n’en reste pas moins évident : c’est que la politique anglaise a la première, et pour la première fois depuis des siècles, compté le peuple italien pour quelque chose en Italie. Ce fait est des plus importans, car il constitue à lui seul le commencement d’une ère toute nouvelle pour l’Italie, c’est-à-dire la constatation de L’existence d’un peuple particulier en libre possession de lui-même, ayant droit à se gouverner lui-même. C’est sur ce fait que doit s’appuyer désormais notre politique française, et c’est sur ce fait aussi que désormais les Italiens doivent régler leur politique intérieure. Ici s’élève l’importante question de savoir quelle est la meilleure ligne politique à suivre pour l’Italie.

Une nationalité se compose de deux choses, d’abord du peuple lui-même avec ses goûts particuliers, ses traditions, ses instincts, ses aptitudes spéciales, ses tendances déterminées, et puis du gouvernement né de ces goûts, qui dirige ces instincts, donne leur vraie direction à ces aptitudes. Le vice radical de l’Italie moderne est précisément le désaccord qui existe entre l’esprit du peuple et ses gouvernemens, désaccord qui fait de l’Italie le pays le plus anarchique du monde. Les gouvernemens italiens sont tous pour ainsi dire des gouvernemens étrangers; l’Autriche gouverne en Lombardie, la Toscane n’a qu’une ombre d’indépendance, la papauté est une institution universelle autant qu’italienne, dont le génie est parfaitement conforme au génie italien, mais qui, en vertu de son caractère universel, ne peut se dévouer exclusivement à l’Italie. Quant au gouvernement de Naples, il est trop difficile de le qualifier, et nous y renonçons, de crainte de ne pas trouver assez de ressources dans notre langue, si pauvre et si claire, où les mots à nuances et à demi-teintes n’abondent pas. Parmi tous ces gouvernemens italiens, où trouver un gouvernement national? Le gouvernement pontifical l’est par un côté seulement; le gouvernement de la Toscane a la bonne volonté de l’être, bonne volonté dont l’Italie doit lui savoir gré, mais qui est incessamment effarouchée et assombrie par une ombre menaçante. L’étranger a donc la main sur toute l’Italie. Où trouver un coin de terre libre? Et si le seul moyen de régénération de l’Italie est un gouvernement national, où trouver les élémens d’un tel gouvernement? Un seul pays italien est libre réellement et se possède lui-même, un seul peut avoir une politique, une année, un seul est gouverné par des princes nationaux : c’est le Piémont. C’est donc le Piémont qui renferme les élémens de régénération future de l’Italie, et s’ils ne se trouvent pas là, ils ne se trouvent nulle part.

Parlons d’abord de la dynastie. Il y a toujours pour les peuples deux choses à considérer chez les princes, d’abord leur origine, et