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seul le prix de revient de l’aluminium à trois mille francs. Le sodium d’ailleurs est difficile à manier. Il brûle au contact de l’air et décompose toutes les substances qu’il touche en leur enlevant l’oxygène. Tour le conserver, on est obligé de le jeter, dès qu’il sort du fourneau, dans des bouteilles remplies d’huile de naphte ou de pétrole. Cette huile, qui ne se trouve guère que dans les environs de Baku en Perse et à Àmiano, dans le duché de Parme, est un des seuls liquides qui ne contiennent pas d’oxygène. Elle est rare et assez chère. Dans ces derniers temps, les expériences sur l’aluminium en avaient employé des quantités telles que le prix avait presque doublé, et qu’on en trouvait difficilement chez les fabricans de produits chimiques. M. Sainte-Claire Deville, sentant fort bien cet inconvénient, a cherché tout d’abord à perfectionner le procédé d’extraction du sodium, et sans modifier essentiellement le principe de l’opération, il a diminué au moins de moitié son prix, et il est peu à peu arrivé à négliger le secours de l’huile de naphte et à manier sans danger d’assez grandes masses de métal dont la préparation reste plus coûteuse aujourd’hui, mais n’est guère plus difficile que celle du gaz à éclairage. Ce progrès obtenu, la décomposition du chlorure d’aluminium entraînait elle-même moins de frais, et M. Sainte-Claire Deville, à l’usine de produits chimiques de la société générale de Javel, a déjà extrait plus de trois cents kilogrammes d’aluminium, dont la fabrication est devenue susceptible d’une marche tout à fait manufacturière. On peut prévoir que cette fabrication sera surtout facile, si les usines s’établissent à Marseille, où d’énormes quantités d’acide chlorhydrique, provenant des fabriques de soude, se perdent tous les jours sans trouver d’emploi, tandis qu’elles serviraient à fournir le chlore nécessaire à la formation du chlorure d’aluminium. Nulle part aussi l’acide sulfurique, qui sert à retirer l’alumine de l’argile, n’est à si bon marché. Pourtant jusqu’ici on a un peu trop gardé le silence sur le prix auquel revient ce métal, et, tout en convenant qu’il vaut aujourd’hui moins de 3,000 francs le kilogramme, je crains qu’il n’en vaille bien encore de 500 à 1,000. C’est un grand progrès assurément, mais on est encore loin du but, et l’industrie n’a pas coutume d’employer des métaux de cette valeur.

On se hâte donc un peu trop, je pense, de triompher. M. Sainte-Claire Deville a fait une très belle découverte, qui probablement a de l’avenir. Il a d’ailleurs donné l’impulsion à une foule d’expériences remplies d’intérêt. Ainsi son préparateur à l’École normale, M. Debray, a étudié les propriétés du glucynium, extrait de la glucine, qui existe dans l’émeraude combinée à l’alumine. Lui-même avait déjà obtenu des quantités considérables de silicium, autre corps simple peu connu, et dont les propriétés dérangent aussi un peu les théories. Cependant on ne peut encore se représenter les