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ce métal est nommé, mais son existence n’est admise que par analogie, car l’alumine, cette substance si commune, et dont l’argile contient de grandes quantités, n’avait jamais pu être réduite. Elle résistait à la chaleur et à l’électricité; On en concluait que le métal lui-même devait être plus avide d’oxygène que tous les autres corps connus, et devait s’oxyder avec plus de violence et de rapidité que le potassium, qui pourtant décompose l’eau à la température ordinaire et ne peut rester exposé à l’air sans brûler. Bientôt pourtant de nouvelles études firent mieux connaître l’alumine et ses composés, et on la rapprocha de la magnésie et de la glucine. Il était évident du reste pour les chimistes que ce métal, aussi difficile et même plus difficile à obtenir pur que le glucynium et le magnésium, devait avoir les mêmes propriétés, décomposer, comme ces métaux, l’eau à une température de 60 à 80 degrés, et ne pouvoir être chauffé à l’air sans absorber l’oxygène. Il était clair aussi que, dût-on obtenir ce métal pur, il ne pourrait dans aucun cas servir aux usages domestiques ou industriels, pas plus que le potassium, le sodium ou le calcium, car l’air, la chaleur, tous les agens auxquels il serait naturellement exposé l’oxyderaient, et lui enlèveraient son aspect et ses propriétés métalliques, — feraient évaporer la quintessence de la métallité, auraient dit les alchimistes.

La théorie devait indiquer tout cela, et un chimiste très distingué, dont les travaux sur l’aluminium sont des modèles pour la science du raisonnement comme pour l’habileté dans la manipulation, a vérifié ces propriétés. M. Vöhler est parvenu à obtenir l’aluminium pur, et voici comment. Il a mis l’oxyde d’aluminium ou l’alumine en contact avec le potassium; l’oxygène s’est transporté de l’aluminium au potassium, la réaction étant activée par la. chaleur, et pour résidus de l’opération, il a trouvé de l’aluminium pur et de la potasse. Au lieu d’alumine, ce chimiste a employé ensuite une combinaison de chlore et d’aluminium; mais la réaction est la même, car l’oxygène et le chlore ont des propriétés chimiques analogues. Il a vérifié ainsi tout ce que promettait la théorie; il a obtenu l’aluminium sous la forme d’une poudre grise, qui reçoit l’éclat métallique sous le brunissoir. Ce métal prend feu, quand on le chauffe, au contact de l’air; il ne décompose pas l’eau à la température ordinaire, mais la décomposition est bien manifeste vers 100 degrés ; enfin il a toutes les propriétés que doit avoir un métal rangé par les chimistes dans la classe des métaux terreux.

Les choses en étaient là, lorsqu’un savant encore jeune et déjà connu par d’ingénieux travaux, M. Sainte-Claire Deville, qu’il ne faut pas confondre avec un chimiste d’un nom analogue, mais dont les travaux inspirent moins d’intérêt, annonça qu’il avait découvert un procédé qui lui permettait d’obtenir l’aluminium en assez grande