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grande puissance, après la conquête de L’Egypte, que le goût pour cette science se développa chez ce peuple, autrefois si curieux et si intelligent. Il est probable, et c’est l’avis de l’homme qu’il faut le plus écouter sur la chimie, M. Liebig, que les doctrines, les idées et les découvertes des savans que les Arabes trouvèrent à Alexandrie ont contribué à ce développement scientifique. Je crois pourtant que cela est plus vrai pour les autres sciences, comme la médecine, les mathématiques et l’astronomie, que pour la chimie proprement dite. Quoi qu’il en soit, c’est alors qu’apparurent les premiers alchimistes, et ils conservèrent dans leur notation et dans leur manière de décrire les expériences quelque chose de mystérieux et d’obscur qu’ils avaient sans doute emprunté aux prêtres de l’Egypte. Leurs progrès furent rapides, et l’on serait étonné de la variété de leurs connaissances. Le principal but de leurs travaux, et c’est ce point seul qui nous intéresse, était la recherche de la pierre philosophale, c’est-à-dire d’une substance pouvant transformer en or un métal quelconque. Ils ne supposaient donc pas que l’or ni les autres métaux fussent des substances élémentaires. Il est clair que leurs recherches eussent été alors insensées, même à leurs propres yeux. Des expériences curieuses, au contraire, les avaient conduits à penser que tous les métaux contenaient du soufre. Cela était certain; mais l’or, qui est jaune, renfermait-il moins de soufre que l’argent, qui est blanc, ou au contraire était-ce au soufre que l’or devait sa couleur? Sur ce point, ils n’étaient pas d’accord, et de cette dissidence résultaient deux procédés. Les uns tentaient d’ajouter du soufre d’or aux métaux communs, les autres s’efforçaient de purifier le plomb ou le zinc. Pour les premiers, l’or était un métal ordinaire combiné à une substance qui lui donnait sa supériorité, faisait de lui le roi des métaux; pour les autres, c’était le métal pur, la quintessence du métal qu’il fallait retirer des métaux imparfaits ou demi-métaux. Cette quintessence était une substance rouge, comme on sait, qui, obtenue pure, pouvait transmuter en or une quantité quelconque de métal ou même de toute autre matière, agissant ainsi comme une sorte de ferment qui par sa seule présence transforme les substances organiques. Il est du reste évident que cette substance parfaite devait guérir toutes les maladies; c’était une panacée universelle. On ne citerait peut-être pas d’alchimiste qui n’ait décrit un procédé pour la préparer, et qui n’en ait vanté l’efficacité, quoique lui en particulier ne l’ait jamais obtenue et n’ait pas éprouvé ses vertus; mais l’alchimiste ne doute de rien, sans avoir rien vu. En général c’est sur le mercure que l’on opérait. Que fallait-il en effet pour le transmuter? Le solidifier et lui donner la couleur jaune. Or cela était facile, pourvu qu’on le mêlât au mercure des sages, à la terre adamique, ou simplement à l’or philosophique, opérations qui