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d’importance, soit au point de vue de l’utilité des denrées qu’elles mettent sur le marché, soit aux yeux des économistes par l’importance de leurs affaires et les quantités énormes d’ouvriers qu’elles emploient et des matières qu’elles transforment. C’est là maintenant une des branches du commerce de notre pays qui, sous ce rapport, peut soutenir la comparaison avec le modèle que les peuples doivent avoir sans cesse devant les yeux, l’Angleterre. Les produits qui sortent de ces fabriques, peu connus du public, qui souvent ignore jusqu’à leur nom, ont un débit considérable. Les chimistes les plus illustres n’ont pas dédaigné de s’occuper des moyens de les obtenir à bon marché ou de les appliquer aux industries annexes que nous avons signalées, et ces découvertes ont au moins autant servi leur réputation que les recherches les plus purement spéculatives. Ainsi M. Balard est au moins aussi connu pour avoir inventé un moyen de fabriquer la soude à meilleur marché que pour avoir découvert un des corps simples les plus curieux, le brome. M. Thénard a perfectionné la préparation de la stéarine et la fabrication des bougies, tandis que M. Chevreul s’occupait de la teinture, M. Boussingault et M. Liebig des applications de la chimie à l’agriculture. M. Regnault donne aujourd’hui ses habiles soins à une industrie qui au premier abord semble peu chimique, à la porcelaine. Pour donner une idée de l’importance de ces industries, il suffit de citer un fabricant bien connu des Parisiens, M. Ménier. Il ne faisait d’abord que du chocolat, et sa production s’élevait à près de dix mille kilogrammes par jour. Pouvant disposer d’une force considérable et ayant formé des ouvriers habiles dans les manipulations du chocolat, qui sont bien près aussi d’être des manipulations chimiques, il s’adjoignit une fabrique de produits chimiques qui d’abord ne devait utiliser que ses résidus, et dont aujourd’hui les affaires s’élèvent à plus de 15 millions par an. Il n’est pas à beaucoup près le seul, et presque tous les fabricans de savons, de bougies, de résines, de teintures, etc., produisent aussi de la soude, des acides sulfurique et chlorhydrique, du cyanoferrure de potassium, de l’alun, etc. Ces industries sont donc fort importantes, car tous ces corps sont employés en grand dans le commerce et dans les arts. Ce sont là les matières premières des choses auxquelles on doit le bien-être, le luxe et la richesse, si bien que l’on a pu dire par exemple que le plus sûr moyen de connaître le degré de civilisation d’un pays était de savoir combien il produit et combien il consomme d’acide sulfurique.

Parmi tant d’exemples de ce qu’a de fécond l’accord de l’industrie et de la science, nous choisirons une découverte qui appelle l’intérêt non-seulement par ses applications possibles, mais aussi par les questions scientifiques qu’elle offre l’occasion d’aborder. Nous