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n’a qu’une saison; ils ne fabriquent que des étoffes unies ou à carreaux, toujours les mêmes et toujours assurées d’un placement; mais cet effort d’une population intelligente, porté vers le même article, en a fait le succès, et aujourd’hui la fabrication suisse a pris en Europe et en Amérique un rang que les puissances de premier ordre lui envient et que, personne ne saurait lui contester. Zurich a les étoffes et Bâle les rubans; le travail est disséminé dans les villages qui les entourent, et s’étend aux cantons les plus voisins. Zurich compte 20,000 métiers, Bâle 10,000, et l’ensemble de leur production est évalué à 50 ou 60 millions de francs; par le mérite des qualités et la discrétion des prix, elle a pénétré sur tous les marchés du monde que les douanes ne lui ferment pas.

Le groupe d’états désigné sous le nom de Zollverein marche presque de pair avec la Suisse pour les étoffes de grande consommation, et sur certains points, comme les montagnes de la Saxe, l’industrie y garde le même caractère mixte. dans les dates et l’origine, il y a aussi analogie, et c’est un fait caractéristique et curieux à noter, que les dissidences en matière de croyances ont été le principal instrument de la diffusion des arts et du commerce sur la surface du globe. C’est ainsi que de grandes industries ont fait leur chemin, c’est ainsi que l’Amérique du Nord s’est peuplée. Il n’y a d’ailleurs dans le Zollverein rien qui ne soit l’imitation de ce que l’on voit dans le reste de l’Europe. Naguère le régime du travail y variait d’état à état, suivant les préjugés, suivant les lieux, suivant les temps; aujourd’hui, et grâce à l’association récente, il y règne une certaine uniformité : chaque localité a gardé les fabrications qui sont plus particulièrement de son ressort; toutes y ont trouvé, par la suppression des barrières intérieures, la jouissance et les bénéfices d’un marché plus étendu. Dans ce partage, les provinces rhénanes ont eu naturellement le premier lot, et c’était justice; la Prusse proprement dite, la Saxe, le Brandebourg, la Westphalie, ne viennent qu’après. Deux villes dominent surtout pour la production des soieries, Crefeld et Elberfeld. On y fabrique les velours courans et les rubans de velours sur une échelle considérable et à des conditions qui semblent défier la concurrence. Vierzen a aussi une réputation en ce genre et des mieux établies; nulle part on n’entend mieux le mélange de la soie et du coton, qui permet d’abaisser les prix dans une proportion presque inimaginable. Envisagé dans son ensemble, le Zollverein occupe 30,000 métiers, et aspire à tous les genres de succès. Pour les taffetas unis, il lutte avec la Suisse, pour les façonnés il se mesure avec Lyon et cherche à l’égaler en le copiant.

L’Autriche, cet autre foyer de l’activité allemande, a fait, dans ces derniers temps, de louables efforts pour se mettre au niveau des