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I.

Pour retrouver, les origines de l’industrie de la soie, il faudrait avoir des notions plus sûres que ne le sont les textes épars dans les ouvrages de l’antiquité. Longtemps sans doute le ver qui produit la soie demeura à l’état sauvage, sans que l’homme eût imaginé de le réduire à cette domesticité où il devait se rendre si utile. Il en était du ver à soie comme de ces chenilles dont parle Pline, dont les cocons, gros comme des œufs, se recueillaient dans les branches du cyprès, du térébinthe, du frêne et du chêne, et que les habitans de l’île de Cos dévidaient et filaient à leur usage. Aujourd’hui encore ces vers à soie sauvages se retrouvent en Chine sur une sorte de poivrier qui abonde dans la province de Canton. Ils muent quatre fois et restent sous leur enveloppe depuis le commencement de l’automne jusqu’au printemps. Leur soie est dure, mais solide, et les tissus qu’elle produit peuvent se laver comme du linge. Élevés en plein air, ces vers sauvages exigent moins de soins et entraînent à moins de frais que les vers du mûrier, mais en raison de leur rusticité même, leur soie est moins brillante, moins fine, moins propre à des emplois recherchés.

Le véritable artisan de la soie, c’est le ver du mûrier, le ver domestique, et ici également la Chine, à ce qu’il semble, a les honneurs et le mérite de la priorité. Vingt-six siècles avant notre ère, on y cultivait le mûrier ou l’arbre d’or, comme l’appellent les récits des missionnaires; on y filait le cocon et on y tissait la matière qui en provient. Cependant, aux yeux du monde latin, cette origine ne fut pas avérée; les distances et l’incertitude de la géographie étaient pour beaucoup dans la confusion des idées à cet égard. Aussi ne faut-il pas s’étonner que les auteurs, les poètes surtout, aient fait de l’Inde ou du pays des Sères la patrie de la soie, et lui aient donné un nom qui en dérive. De semblables méprises sont communes, et ce n’est pas la seule que les recherches modernes aient fourni l’occasion de redresser. Pour la Grèce et pour Rome, l’Asie n’était qu’une collection de hordes barbares vis-à-vis desquelles on ne se piquait ni de justice ni d’exactitude. L’Asie pourtant était le siège d’industries florissantes et qui dataient de loin; au lieu de la dédaigner, il y aurait eu bien des emprunts à lui faire et beaucoup à apprendre d’elle.

Par la force des choses, la soie et les tissus de soie arrivèrent d’Orient en Occident. La matière était si riche, les vêtemens étaient si beaux, que, de proche en proche, le goût et l’usage s’en répandirent. Les procédés de fabrication suivirent la même route que les