Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/578

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conseils et l’expérience du prince royal. Je mettrai volontiers à sa disposition le nombre d’hommes nécessaire aux premières opérations. Je suis bien intimement convaincu du prix de sa coopération personnelle...» C’était ce qu’Alexandre avait déjà exprimé depuis longtemps au comte Stedingk : « Je ne vous demande ni vos flottes ni vos armées. La personne du prince royal et cinquante gardes-du-corps, voilà tout ce qu’il me faut. » Cela convenu, Alexandre passa au plan général d’opérations, et demanda au comte de Lövenhielm quelles étaient à ce propos les vues du prince. M. de Lövenhielm, fidèle à ses instructions, mettant toujours en compte la réunion de la Norvège avant toute intervention de la Suède dans la guerre continentale, répondit qu’une fois le Danemark réuni de gré ou de force aux confédérés, on pourrait, avec cent mille hommes qui, sous le commandement de Bernadotte, marcheraient sur Hambourg et l’Oder, couper les communications de l’armée française, peser sur la Prusse, rendre du cœur aux Allemands, et opérer de la sorte une importante diversion. Quant aux opérations particulières de l’armée russe, le comte suppliait le tsar, au nom du prince, de ne pas s’exposer, avant qu’on fût bien convenu d’un plan de campagne, aux dangers des grandes batailles, mais de s’efforcer plutôt d’attirer les Français dans l’intérieur du pays, et là de traîner la guerre en longueur, d’en faire une guerre nationale, d’oublier tout amour-propre militaire, de dévaster le pays sur les derrières de l’ennemi, d’inquiéter ses marches en jetant des troupes sur ses flancs, et surtout d’être attentif à surprendre ses convois, ses bagages, ses parcs d’artillerie, ses ambulances, son quartier-général enfin, éloigné souvent de quelques lieues des grands corps d’armée. Le comte insista ensuite sur l’absolue nécessité de conclure la paix entre la Russie et la Porte, et la médiation de la Suède fut acceptée.

Pour l’Autriche et la Prusse, on pensait bien que si l’étoile de Napoléon commençait seulement à pâlir, elles prétendraient à une neutralité qui les amènerait bientôt dans les rangs de la coalition. La Prusse en particulier, entièrement courbée sous le joug de Napoléon, préparait déjà cependant sa délivrance. On trouve dans les curieux Mémoires de Müffling[1] les détails les plus intéressans et les plus nouveaux sur la mission du général Knesebeck à Pétersbourg dès le mois de février 1812. On y voit que cet agent, que M. de Löwenhielm représente dans ses dépêches comme tout à fait résigné à la domination française, conduisait une double négociation, et que son véritable but n’était autre que d’indiquer au tsar les plus sûrs moyens de se défendre contre Napoléon et de préparer sa chute. Par lui, le roi de Prusse mandait à Alexandre « qu’il ne pouvait s’abstenir

  1. Aus meinem Leben, Berlin 1851.