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l’accorder. Nous ferions dans ce cas au Danemark remise pleine et entière de sept à huit millions que nous sommes en droit d’exiger de lui. » Bernadotte faisait encore une autre demande. Il désirait que la Poméranie, — alors, comme on sait, possession suédoise, — fût classée, comme le Mecklenbourg, parmi les états de la confédération du Rhin. « Ce serait, disait-il[1], un moyen de tenir plus directement à la cause de l’empereur, et cette raison était un motif pour lui de désirer bien vivement l’accomplissement de ce vœu. »

Voilà des faits peu ou point connus jusqu’à présent, et qu’on s’étonne de ne point trouver même indiqués dans le livre récent de M. Bergmann, qui a eu de si nombreux documens à sa disposition. Il semble impossible de leur enlever toute valeur. Notre ministre, en admettant même qu’il ait été trompé, n’a pas pu l’être entièrement. Ces dernières propositions de Bernadotte sont transmises officiellement à Napoléon; il n’y a là rien d’équivoque. La preuve, c’est que Napoléon répondit cette fois à de telles avances, et sembla même vouloir travailler à détruire dans l’esprit du prince royal l’effet des offres de la Russie. Il ne pouvait disposer de la Norvège, mais il offrait la Finlande. Il fit écrire une première fois à M. Alquier, 10 avril :


« Vous direz, monsieur, qu’il n’y a pas le moindre fondement aux bruits de guerre entre la Russie et la France, mais que sa majesté n’en est pas moins sensible aux dispositions témoignées par la Suède. Vous bornerez à cela les déclarations que vous avez à faire, mais sa majesté vous charge de cultiver ces bonnes dispositions de la cour de Stockholm. Comme cette cour n’a fait encore que des ouvertures générales et vagues, vous la mettrez sur la voie d’en faire de plus précises d’après lesquelles sa majesté puisse juger jusqu’où les vues de la Suède peuvent se concilier avec les siennes. »

«... La guerre entre la Russie et la France, écrivait l’empereur trois jours après, n’aura pas lieu. Cependant il est vrai que la Russie fait des préparatifs, ce qui oblige l’empereur à des mesures de précaution. En de telles circonstances, l’alliance de la Suède n’est certainement pas à dédaigner... Cette alliance serait dirigée, en cas de guerre, contre la Russie. Le recouvrement de la Finlande en serait le but. La France y concourrait de tous ses moyens... Mettez, monsieur, beaucoup de réserve en toute cette affaire..., mais manifestez au prince royal la satisfaction de l’empereur pour les mesures qu’il a prises...»


En même temps le ministre de Prusse, M. de Tarrach, ne se lasse pas d’attester à son gouvernement[2] « les assurances solennelles données par le prince royal au baron Alquier de rester fidèle à ses liaisons avec son ancien allié... Le parti est pris en Suède, dit-il,

  1. Dépêche du 17 avril.
  2. Dépêches au comte Goltz.