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CHARLES BONNET


SA VIE ET SES TRAVAUX


D’APRES UNE CORRESPONDANCE INÉDITE





Dans le temps où Voltaire, devenu châtelain et seigneur magnifique, recevait à Ferney la foule chaque jour renouvelée de ses hôtes et les curieux de toute l’Europe, plus d’un étranger, qui avait fait le voyage pour voir face à face l’homme le plus célèbre du siècle, prenait, en quittant l’illustre patriarche, le chemin qui descend de Ferney à Genthod, vers les bords du lac de Genève. S’arrêtant à l’entrée d’une maison de noble apparence placée en face des Alpes et du lac, si riant en cet endroit, il demandait à saluer le maître de ces beaux lieux, le naturaliste célèbre, le contemplateur religieux des lois de la création, le compatriote de Jean-Jacques Rousseau, Charles Bonnet. C’est là, dans cette tranquille retraite de Genthod, que cet observateur de génie, devenu métaphysicien par nécessité, se consolait de ne plus étudier la nature dans ses productions ignorées, en cherchant à pénétrer le secret de ses plus vastes desseins. Ses regards, affaiblis par l’abus du microscope et réduits à ne percevoir que des clartés incertaines, ne pouvaient jouir du beau paysage qui se déployait devant ses fenêtres; mais en été, respirant l’air pur de ces coteaux et promenant ses rêveries sous l’ombre des grands marronniers ou des frais noyers de son avenue, — en hiver, appuyé de longues heures au poêle de sa bibliothèque, auprès de Mme Bonnet, souffrante aussi, étendue sur une chaise longue, silencieux, mais