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qui, par leur nature, rappellent le sinistre de l’année de Cambyse.

Depuis la fin du dernier siècle, les Anglais ont entrepris par le Fezzan de nombreux voyages de découverte dans l’intérieur de l’Afrique avec cette intelligence et cette persévérance d’investigation qui les caractérisent. Je citerai d’abord celui d’Hornemann, jeune Allemand, agent de la société géographique de Londres, qui se rendit au Fezzao par l’Egypte et les oasis. Nos troupes occupaient alors l’Egypte, et quoique nous fussions en guerre contre les Anglais, le général Bonaparte, ne consultant que l’intérêt de la science, favorisa ce voyage de tout son pouvoir. Vint plus tard le voyage de Ritchie et de Lions, qui ne réussit pas. Ritchie, qui devait séjourner quelque temps dans le Fezzan pour se créer des intelligences avec l’intérieur, et qui avait reçu à cet effet le titre de vice-consul d’Angleterre à Mourzouk, y mourut au bout de quelques mois, et son compagnon dut retourner en Europe. On eut ensuite l’expédition que dirigeait le docteur Oudney, qui mourut dans le Bournou, et dont faisaient partie le major Denham, le célèbre Clapperton, mort dans un second voyage, et M. Teret, qui reçut, comme son prédécesseur Ritchie, le titre de vice-consul à Mourzouk. Cette série de voyages fut close par celui du savant et intrépide Laing, qui mourut glorieusement en refusant d’abjurer sa foi de chrétien. Après cet événement, les voyages dans l’Afrique centrale par la Tripolitaine furent longtemps interrompus. Ils recommencèrent en 1844 avec celui qu’entreprit, par Ghadamès, M. Richardson. Ce voyageur n’alla pas cette fois beaucoup au-delà de cette ville saharienne; mais en 1850 il fut mis, par le gouvernement anglais, à la tête d’une expédition qui a fait d’importantes découvertes, et à laquelle s’étaient joints deux jeunes savans allemands, MM. Owerveg et Barth. Le premier a péri ainsi que M. Richardson. Le retour en Europe du docteur Barth est aujourd’hui certain.

Quel sera le sort de la régence de Tripoli? Placée aujourd’hui sous la domination des Turcs, la population de cette partie de l’Afrique formera-t-elle enfin un groupe laborieux et pacifique au milieu de l’empire ottoman? Les habitudes sédentaires y prévaudront-elles sur les instincts nomades? Nous ne savons, mais il est un élément d’ordre que le gouvernement des Osmanlis a trop négligé jusqu’ici, et dont l’Europe doit se préoccuper à défaut de la Turquie : c’est le commerce, ce sont les relations fécondes que Tripoli peut entretenir d’une part avec la France et l’Angleterre, de l’autre avec l’Afrique centrale. Le caractère des Tripolitains n’oppose aucun obstacle à ces i dations. Espérons que-rien ne sera négligé pour les développer et pour assurer ainsi à l’une des plus intéressantes parties de l’empire ottoman d garanties de paix et de prospérité.


E. PELLISSIER DE REYNAUD.