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la part de ses fonctionnaires que par suite d’une certaine confusion d’idées qui existe encore dans plus d’une vieille tête turque[1].

J’ai déjà dit qu’une très faible partie du vaste sol de la Tripolitaine est cultivable. Je dois ajouter ici que cette partie est loin d’être toute cultivée; mais là où elle l’est, elle l’est assez bien. Les produits les plus abondans du pays sont les céréales (blé et orge), l’huile d’olive et le bétail (race bovine); les dattes des oasis n’ont point la réputation de celles du Djerid tunisien, qu’en effet elles ne valent pas. Le commerce maritime de la Tripolitaine est presque exclusivement entre les mains des Européens, à l’exception de celui des esclaves. Il est alimenté par les produits du pays et par ceux qui lui arrivent de l’Afrique centrale[2]. Les céréales, les huiles, le beurre, forment la base de ce commerce. Autrefois les Vénitiens chargeaient des quantités assez notables de sel aux salines de Bréga, d’où depuis assez longtemps il ne s’en exporte plus. Tripoli fournissait aussi au commerce d’exportation de la barille ou cendre de soude, mais la fabrication de la soude artificielle a détruit cette branche d’industrie et de commerce. Lorsqu’elle existait, elle était monopolisée par le gouvernement tripolitain. Elle aurait pu être remplacée avantageusement par les mines de soufre de la Syrte. A l’époque où le gouvernement napolitain voulut monopoliser les soufres de la Sicile, le commerce européen se préoccupa vivement de chercher ailleurs des dépôts de ce minéral. Les Arabes de la Tripolitaine connaissaient parfaitement l’existence de terrains sulfureux au fond du golfe de la Syrte, non loin du lieu où les Turcs ont construit un fort dont j’ai déjà parlé; mais ce fait était alors complètement ignoré en Europe. Ce fut M. Robert, négociant

  1. Ainsi on m’a cité un magistrat musulman, fort bonhomme d’ailleurs, qui repoussait le témoignage d’une femme chrétienne, et qui, sur l’observation qu’on lui fit que les ordres formels du sultan prescrivaient de recevoir celui de toute espèce de personnes, répondit qu’il en était ainsi en effet, mais qu’une femme n’est pas une personne.
  2. Voici quelle a été, en 1850, l’exportation des principaux produits du sol tripolitain en quantité et en valeur :
    ¬¬¬
    Céréales 212,700 hectolitres 1,496,000 fr.
    Huiles 1,375,800 kilogrammes 742,000
    Animaux vivans 11,787 têtes 408,000
    Beurre 406,000 kilogrammes 406,000

    Les produits arrivés de l’Afrique centrale ont consisté principalement en 2,708 esclaves noirs, présentant sur le marché d’exportation une valeur de 759,000 fr. Il y a eu de plus :
    ¬¬¬

    Ivoire 77,000 kilogrammes 754,000 fr.
    Poudre d’or 109,000 grammes 360,000

    En masse, les exportations de 1850 se sont élevées à une valeur de 5,450,000 fr. Les articles que je ne détaille pas à cause de leur peu d’importance à l’exportation sont la laine, les dattes et autres fruits, le savon, les plumes d’autruche et le séné.