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nalité mexicaine, si les États-Unis avaient comme gouvernement l’ambition que ne dissimule pas toute la partie aventureuse de la presse et de la nation. Néanmoins l’affaiblissement graduel du Mexique, la dissolution de son armée, l’anéantissement de ses finances, sont trop avantageux à l’influence américaine pour ne pas autoriser des soupçons, comme si le désordre n’était pas un fruit spontané du sol. Le Mexique a eu les institutions de la liberté sans en avoir les mœurs ; personne n’y supporte le despotisme, parce que tout te monde veut l’exercer, et les instincts conservateurs, qui existent là somme dans toute société civilisée, sont obscurcis par tant dépassions et déshonorés trop souvent par une corruption si profonde, qu’aucune révolution n’y est injuste ; mais toutes sont insensées, parce qu’aucune ne rendra le pays ni plus heureux, ni plus digne de l’être.

Nous avons trop souvent à enregistrer de nouvelles révolutions dans l’Amérique du Sud, heureux encore quand ces révolutions ne sont pas sanglantes et ne déchaînent pas tous les fléaux de la guerre civile sur le pays qui en est le théâtre ! La Bande-Orientale vient d’avoir la sienne, mais faible comme celle d’un corps épuisé, et probablement contenue dans les limites d’un désordre passager par la seule présence d’un corps d’armée brésilien, qui d’ailleurs a regardé faire avec le plus grand calme, parce qu’il n’y a pas eu de lutte pour ainsi dire, et que le gouvernement établi s’est vu tout de suite abandonné. La situation était très tendue depuis quelque temps, surtout depuis le rappel de M. Andrès Lamas, l’ex-ministre montévidéen au Brésil, dont le cabinet de Rio-Janeiro avait dû considérer la destitution comme une démonstration hostile à son adresse. Les esprits étaient donc agités, et alors le président Florès, dont les rapports avec l’impérieuse légation brésilienne étaient de plus en plus difficiles, ordonna une perquisition chez un les chefs de l’opposition, puis essaya de le faire arrêter ; mais cette tentative fut malheureuse. Quelques hommes s’armèrent, effrayèrent la garde du fort, qui est la résidence officielle du président, et se répandirent ensuite dans la ville en poussant les cris d’usage. Il n’en fallut pas davantage pour déterminer Florès à sortir de Montevideo, puis on négocia avec lui, et il aurait consenti à résigner ses pouvoirs, qui, jusqu’aux élections prochaines, seraient exercés par le président du sénat. Voilà jusqu’à présent, sauf plus ample informé, toute cette révolution, et Florès sera, de compte fait, pour cette année, le troisième chef d’un gouvernement légal qui aura été renversé ; le général Echenique au Pérou, le général Santa-Anna au Mexique, sont les deux autres. Nous n’avons pas la prétention d’expliquer les vrais mobiles pas plus que la portée de ces événemens. À Montevideo surtout, il n’y a pas de partis politiques, c’est-à-dire de systèmes de gouvernement en présence ; il n’y a que des personnalités rivales, et ces personnalités sont nombreuses, car tout homme qui a commandé une compagnie, qui a siégé dans une assemblée, qui a occupé pendant huit jours des fonctions quelconques, veut être général, président, ministre ou directeur de la douane, quoiqu’il n’y ait pas d’armée, que le gouvernement soit sans force et sans prestige, le trésor vide et le commerce paralysé. Malheureusement toutes ces misères, cette désorganisation chronique, cette impossibilité de rien fonder et de rien soutenir, conviennent trop bien aux vues traditionnelles