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essaie de sa sauver d’elle-même, d’échapper à ses querelles intérieures ; mais pour cela il n’y a qu’un moyen, c’est la politique d’expansion. C’est elle aussi qui prend le dessus de plus en plus, et malheureusement pour l’Amérique espagnole dans des circonstances singulièrement favorables aux projets des annexionisles du nord. Le gouvernement de l’Union semble avoir abandonné pour un temps la question de Cuba, comme trop difficile et créant aux États-Unis trop de dangers. Au moins c’est ce que la junte cabane a semblé comprendre, car elle s’est dissoute en annonçant publiquement que désormais les créoles ne compteraient plus que sur eux-mêmes pour conquérir la liberté, et qu’ayant été trop souvent trompés par les États-Unis, ils renonçaient à espérer d’eux aucun secours. Toutefois il y a des pays livrés à l’anarchie et pour ainsi dire sans défense, tels que le Mexique, qui sont une proie plus facile à dévorer. Là on ne rencontrera pas les trente mille hommes bien armés et disciplinés de l’Espagne ; on ne rencontrera pas de la part de la France et de l’Angleterre une action aussi décidée. Si rien ne peut sauver le Mexique de lui-même, il est clair qu’il est à la disposition du premier occupant, et il est dès ce moment trop probable que les prophéties de Santa-Anna s’accompliront. C’est du côté du Mexique que sont tournés en ce moment les regards des États-Unis pour y épier de nouveaux signes d’anarchie et de nouveaux pronunciamientos. Sans bouger, les Américains du Nord attendent l’heure où, las d’eux-mêmes, fatigués de leurs propres sottises et châtiés par leur propre indiscipline, les Mexicains viendront se jeter dans leurs bras.

L’abdication et le départ du général Santa-Anna ont été au Mexique plutôt le signal que le dénomment de la révolution. Quoique son pouvoir fût ébranlé de tous côtés par la révolte, il avait cependant contenu jusqu’au dernier moment l’explosion des passions anarchiques ; mais à peine eut-il repris le chemin de l’exil, que toute la république s’est vue livrée à la plus épouvantable confusion. Aux désordres de la capitale ont répondu, sur une foule de points, des désordres non moins grands dans les provinces. Désertion des troupes, assassinats et brigandages sur les routes, établissemens de mines dévastés et pillés par la populace du lieu associée à des bandes de prétendus insurgés, cris de mort poussés contre des Espagnols inoffensifs qui ne trouvent protection qu’à Mexico, partout la terreur et la consternation, tel est le triste tableau que présentent les dernières correspondances. Il est difficile de saisir au milieu d’un pareil chaos quelques élémens d’ordre, quelques idées de gouvernement. Nous allons cependant essayer de fixer les principaux traits de la situation.

À Mexico, le général d’artillerie Martin Carrera, désigné par Santa-Anna avec deux autres personnages pour former le pouvoir exécutif, a été ensuite seul appelé à exercer provisoirement les fonctions de président par une élection plus ou moins régulière, et maigre son impuissance et son peu de prestige, il travaille à se faire prendre au sérieux comme il parait s’y prendre lui-même, en convoquant un congrès et en invitant les divers chefs de La révolution à se réunir en conférence pour discuter leurs projets. Ces chefs sont nombreux, et ont publié chacun de leur côté des programmes qui ne s’accordent guère. Il y a le général Alvarez, celui qui depuis dix-huit mois