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fut remplacé par Méhémet-Pacha. (le nouveau gouverneur arriva à Tripoli dans le courant de juillet 1842. Recueillant tout aussitôt les fruits des suces de son prédécesseur, il reçut la soumission de Gumma et celle d’Adad, autre cheikh arabe, qui se maintenait encore en état d’insurrection dans un coin de la Cyrénaïque. Au bout de quelques mois, ayant conçu des soupçons sur la fidélité du premier, il l’attira en ville, le fit arrêter et l’envoya prisonnier à Constantinople. Cet acte déloyal fit naître dans le Djebel une nouvelle insurrection dans la répression de laquelle les Turcs commirent beaucoup de cruautés et de nouvelles perfidies. Ahmed-Pacha commandait l’expédition dirigée contre les insurgés. Ayant attiré les principaux cheikhs à une conférence, il les fit tous massacrer dans le mois de mai 1843 : soixante têtes furent envoyées et exposées à Tripoli, où Ahmed-Pacha rentra triomphant, après avoir soumis le Djebel, y avoir bâti un fort et établi une bonne garnison.

Le Fezzan, immédiatement après la mort d’Abd-el-Djelil, avait reconnu l’autorité des Turcs, qui y envoyèrent d’abord pour gouverneur un certain Beker, et un peu plus tard Hassan-bel-Aziz, élevé à la dignité de pacha de seconde classe en récompense de ses éminens services. Ghadamès avait reconnu aussi l’autorité des Turcs; mais Hassan, le premier caïd qu’ils y envoyèrent, fut assassiné en route. On le remplaça par le nègre Bouhouba, homme intelligent et énergique, qui s’installa solidement. Ce fut à peu près à la même époque que les Turcs construisirent le fort qu’ils occupent encore au fond du golfe de la Syrte, dans une localité appelée Sert, non loin de l’emplacement de la ville ruinée de Sort, célèbre dans le moyen âge.

En 1844, une nouvelle insurrection éclata dans le Djebel et fut, comme la première, comprimée par Ahmed-Pacha. Elle eut pour instigateur et pour chef l’ancien lieutenant de Gumma, le cheikh Miloud, qui avait été envoyé avec lui à Constantinople et de là déporté comme lui à Trébizonde. Au bout d’un an, Miloud avait obtenu sa liberté et s’était retiré dans l’île de Djerbah, d’où il ne tarda pas à partir pour aller agiter le Djebel. Il revint dans cette île après sa défaite. Le bey de Tunis ayant refusé son extradition, que le pacha de Tripoli lui demanda, les Turcs s’en montrèrent fort irrités, ce qui fit répandre de nouveau le bruit, non dénué de tout fondement, d’une expédition qu’ils méditaient contre la régence de Tunis. Ce bruit ayant pris une grande consistance les années suivantes, la France envoya en 1846 à Tripoli son escadre de la Méditerranée, commandée par M. le prince de Joinville, qui déclara au pacha, dans les termes les plus propres à faire impression sur lui, que nous étions décidés à maintenir, par tous les moyens dont nous pouvions disposer, le statu quo existant à Tunis.