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dimensions d’un damier, frappent vivement tous les yeux dès que le peintre écrit sa pensée sur une muraille. M. Leslie, dans le Couronnement de la reine, a montré ce qu’il sait faire, et je ne le crois pas appelé à la peinture monumentale. M. Mulready, plus vivant, plus animé, plus inventif que M. Leslie, ne s’élèvera jamais au-dessus de la peinture de genre. À qui donc le parlement confiera-t-il la décoration de sa nouvelle salle? On parle d’un peintre qui ne s’est jamais révélé par aucune œuvre éclatante, mais qui aurait présenté des esquisses bien conçues. Il ne m’appartient pas de prévoir ce qu’il fera : si néanmoins son œuvre future devait ressembler à ses œuvres précédentes, le parlement n’aurait pas à s’applaudir du choix du jury : il s’agit ici d’une commande obtenue au concours. Je souhaite que l’événement démente mes prévisions, sans oser l’espérer. Une résolution du parlement ne suffit pas pour créer la peinture monumentale dans un pays habitué à la peinture de genre.

La division de la propriété et surtout la transformation du sentiment religieux devaient fatalement rétrécir le champ de l’art, et c’est en effet ce qui est arrivé : l’invention a fait place à l’imitation. À Dieu ne plaise que j’entreprenne de rabaisser les artistes flamands et hollandais, qui ont poussé si loin le talent d’imitation ! Je sais ce qu’ils valent, et je n’hésiterai jamais à proclamer leur mérite. Loin de vouloir les déprécier, je pense que leurs panégyristes et ceux qui prétendent suivre leurs traces ne comprennent pas pleinement le sens et la portée de leurs œuvres. Ni l’école flamande, ni l’école hollandaise ne se sont proposé l’imitation pure, l’imitation littérale de la nature. Ceux qui le croient, et le nombre en est grand, ne les ont pas étudiées avec un soin assez soutenu. Ni Ruysdael, ni Wouwermans, pas plus que Rubens et Rembrandt, n’ont renoncé à l’exercice de l’imagination dans la pratique de la peinture; on peut le dire, on peut l’affirmer, on ne réussira jamais à le démontrer, et pourtant c’est au nom des écoles flamande et hollandaise que l’imitation pure envahit aujourd’hui le domaine de l’art. Qu’on prenne les Néréides de Rubens ou les Chênes de Ruysdael, et qu’on essaie de retrouver dans la nature les types de ces admirables ouvrages : je ne demande pas d’autre preuve aux partisans obstinés de l’imitation.

Comment la dispersion de la richesse et la transformation du sentiment religieux ont-elles amené le règne de l’imitation, qui n’est, à proprement parler, que l’enfance de l’art? La question n’est pas difficile à résoudre. Pour peu qu’on prenne la peine d’examiner ces deux faits, on conçoit qu’ils devaient tarir deux sources d’inspiration, ou du moins en détourner les peintres et les statuaires. Que voyons-nous dans le passé? à quels souvenirs s’adressent les peintres les plus habiles pour l’exercice et le développement de leur génie? Se