Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/408

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

statuaire, quelle que soit d’ailleurs son habileté, ne représente pas une tendance individuelle, j’ai le droit, pour demeurer fidèle à mon premier dessein, de ne pas le nommer : en pareil cas, l’omission n’implique pas le blâme.

Pour établir la légitimité de mon affirmation, il me suffira de citer l’élève le plus habile de M. Ingres. Pourquoi n’ai-je pas parlé de M. Hippolyte Flandrin dans l’analyse de l’école française? M’accuserait-on d’aventure de méconnaître son talent? Ce serait m’adresser un étrange reproche, et bien facile à réfuter. J’ai parlé des travaux de M. Hippolyte Flandrin à Saint-Germain-des-Prés avec toute la déférence et toute la courtoisie que commandent la persévérance de ses études, l’élévation de son style; mais M. Hippolyte Flandrin, personne ne l’ignore ou du moins ne doit l’ignorer, n’a pas un sens individuel dans l’école française. Il relève si directement de son maître, qu’il a pu en mainte occasion lui servir d’auxiliaire sans que l’œil le plus clairvoyant aperçût le travail de deux mains diverses. Loin de moi la pensée de rabaisser la docilité poussée à ce point! Si le modèle est excellent, l’imitation parfaite de ce modèle n’est certes pas à dédaigner. Il ne faut pourtant pas s’abuser sur la valeur et la portée de cette imitation. Pour signifier quelque chose dans l’histoire, pour laisser une trace durable de son passage, il faut absolument être soi-même. C’est à ce prix qu’on peut conquérir une solide renommée. Or M. Hippolyte Flandrin n’est pas placé dans cette condition. A Saint-Germain-des-Prés, à Saint-Vincent-de-Paule, il a prouvé toute l’étendue de son savoir; il n’a pas montré dans l’invention une originalité qui lui assigne un rang à part. Tant qu’il restera fidèle à ses habitudes, les historiens de l’école française auront le droit de se borner aie signaler comme un homme de talent, sans l’invoquer comme un argument pour étayer leurs doctrines, et ce que je dis de M. Hippolyte Flandrin, je puis le dire avec une égale justesse de plusieurs autres noms dont je n’ai jamais eu l’intention de nier la valeur.

Eugène Isabey manie le pinceau avec une rare adresse. Toutes les fois que j’ai trouvé l’occasion de le louer, je l’ai saisie avec empressement; mais ses œuvres, depuis longtemps et très justement populaires, n’offrent pas un sens qui leur appartienne; il n’a pas envisagé la nature sous un aspect nouveau, il ne l’a pas interprétée d’une manière inconnue avant lui : c’est pourquoi j’ai pu, sans me rendre coupable d’injustice, ne pas parler d’Eugène Isabey. Camille Roqueplan, qui vient de mourir il y a quelques jours, n’avait pas non plus de sens individuel. Il a laissé de gracieux ouvrages sur lesquels plus d’une fois nous avons appelé l’attention; mais, de l’aveu même de ses plus fervens admirateurs, il apportait plus d’habileté dans