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porte, en travers pour lui barrer le passage. Il tourna du côté de l’escalier ; cette issue était fermée. — Visage de bois, père Sendric, toc, toc, toc, la serrure est solide. — Elle riait aux larmes, les poings sur les hanches. — Toc, toc, toc, la porte tient bon ; pour l’ouvrir, il vous faudrait faire sauter la gâche. Je vous conseille de chercher la clé. Oh ! je me fais un bon sang, je m’en fais comme une bienheureuse. Cherchez à tous les clous, en haut, en bas, je vous donne jusqu’à Pâques pour la trouver. La clé est dans ma poche ; venez-y voir. Eh bien ! vous n’osez approcher ? Avez-vous peur qu’on ne vous mange ? Arrivez ici, et remettez-moi cette balance sur la cheminée, croyez-moi ; notre charrette ne rentrera que sur le tard, et nous avons tout ce bon temps pour nous conter nos petits secrets, à l’amitié, bien seuls, sans gêne, et tranquilles comme Baptiste. Approchez-vous donc, plus près encore, je suis dure d’oreille.

— Tante Laurence, dit-il, je suis bien inquiet pour nos blés, qui demeurent couchés depuis l’orage ; s’il ne vient pas un bon vent sec pour les relever, c’est encore une moisson perdue. Les biens de la terre en ont de dures à passer. Il faut me laisser sortir, que j’aille voir si le temps tourne au clair.

— Il n’y tourne que trop, notre Sendric, juste ciel ! Je le sens à ces douleurs qui me travaillent. Restez, restez, pas n’est besoin de sortir ; croyez-moi, dans une heure il va se lever une bise à décorner les bœufs. Je m’y connais sans regarder courir les nuages. J’ai des bras et des jambes qui marquent le temps.

II s’approcha d’elle avec empressement : — Ah ! si vous souffrez encore, notre tante, il faut disposer du Sendric, sur ma foi ! Je suis ici pour vous servir.

— Il s’agit bien de mes douleurs ! cria la tante exaspérée. Laissez-moi, vieux brutal, laissez-moi. J’ai mon mal et je patiente. Nous allons nous expliquer, et cette fois, je vous le jure, vous ne me renverrez pas à la semaine des quatre jeudis. Nous allons tirer l’affaire au grand clair. Au fait ! au fait ! Et ce hangar, que s’y passe-t-il ? qu’y faisons-nous ? et ces mécaniques ?

— Mes mécaniques ? dit le Mitamat fort surpris ; quelles mécaniques ? Allons, parlez, parlez ; qu’en savez-vous ?

— Ah ! vous y voilà. Vous m’écoutez maintenant ; c’est fort heureux. La faim fait sortir le loup du bois. Nous avons martel en tête. On vous a mis la puce à l’oreille. Tiens, tiens, vous n’êtes plus sourd ! Il a parlé ! quel miracle ! Eh bien ! méchant sournois, votre secret, qui le tient ? On les connaît, vos mécaniques. Et ces horloges, hein ? vieux renard ! et ces tourne-broches ?

C’était ce qu’elle avait pu imaginer de plus compliqué ; elle n’entrevoyait rien au-delà.