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ce secours moral le ferait triompher de son concurrent. C’était agir contrairement à l’ancienne politique, qui avait toujours travaillé à rendre nulle l’action de la Turquie sur les régences barbaresques. Quoi qu’il en soit, la Porte se prêta avec empressement à ce qu’on lui demandait. Elle envoya d’abord en mission à Tripoli un de ses officiers. Chekir-Bey, pour s’assurer de la réalité de l’abdication de Yousef-Pacha et de l’état des esprits. Sur le rapport que fit cet officiel à son retour à Constantinople, elle se décida à reconnaître Sidi-Ali, et fit repartir Chekir-Bey avec le firman d’investiture et l’ordre de sommer les insurgés de se soumettre immédiatement, sous peine d’y être contraints par la force. On était alors dans le mois de septembre 1834. Les insurgés n’en persistèrent pas moins dans leur entreprise et n’eurent aucun égard pour la sommation de Chekir-Bey. A peine cet envoyé de la Porte fut-il reparti, qu’ils se mirent de nouveau à lancer des bombes sur Tripoli; ils poussèrent même l’insolence jusqu’à proclamer une seconde fois le blocus du port de cette ville et à tirer sur un navire autrichien qui ne s’y soumettait pas. Le consul de France les fit alors canonner par notre stationnaire, mais cela ne changea rien à leurs dispositions.

La Porte-Ottomane, une fois engagée dans cette affaire de Tripoli, ne voulut pas en avoir le démenti : elle fit partir une flotte avec 6,000 hommes de débarquement. D’après ce qu’elle dit ou laissa croire aux ministres des puissances européennes, son but n’était que de faire reconnaître l’autorité de Sidi-Ali en mettant à exécution les menaces adressées en son nom aux insurgés par Chekir-Bey; mais dans le fond elle en poursuivait un autre, qui n’était rien moins que la réduction de la régence de Tripoli à l’état de simple province de l’empire turc. Tout le monde y fut trompé, les Français comme les Anglais. La flotte turque arriva devant Tripoli au mois de mai 1835. L’expédition était commandée par Moustapha-Nedjib-Pacha. Sidi-Ali, sans méfiance, se rendit auprès de lui et fut reçu avec tous les honneurs dus à son rang. De plus en plus rassuré, il laissa débarquer les troupes turques, qui occupèrent les forts. Tout cela se passa le 25, le 26 et le 27 mai. Le 28, Sidi-Ali se rendit de nouveau à bord de la flotte pour ramener à terre Nedjib-Pacha, qui avait annoncé qu’il débarquerait de sa personne ce jour-là; mais, retenu sur la flotte, il se vit déclarer déchu, et peu de jours après fut envoyé à Constantinople. Quant à Nedjjib, il s’installa au château et fit publier le firman qui le nommait lui-même pacha de Tripoli. Le chef turc fit ensuite ouvrir les portes de la ville et proclamer la fin des troubles, qui cessèrent en effet comme par enchantement. Les Arabes de la Méchiah et les habitans de la ville se rapprochèrent comme si aucun sujet de haine n’avait jamais existé entre eux. Quant à