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population française pour la portion de ses alimens mise sous forme de pain, quand on voit s’élever le cours des farines pendant que d’autres denrées alimentaires, les fèves, par exemple, deux fois plus riches en principes plastiques assimilables, restent à des prix plus Las, souvent de moitié.

De tous ces faits, l’on doit conclure que l’introduction momentanée dans le pain de substances nutritives qui en augmentent le poids et le volume sans nuire à la qualité est au nombre des moyens de combler le déficit de l’aliment que les populations ont le plus à cœur de pouvoir consommer.

Si l’on envisage maintenant la fabrication du pain non plus au point de vue du bon marché, mais au point de vue du luxe, la science trouve encore à tirer de l’examen des divers procédés de panification quelques enseignemens utiles.

A Londres comme à Paris, on prépare des petits pains de fantaisie dont le volume, la forme et parfois la composition offrent quelques particularités intéressantes, en permettant au boulanger d’élever les prix proportionnellement au poids, de façon à réaliser un peu plus de bénéfice, ce qui réduit d’autant le prix de revient des pains ordinaires. On voit même à Londres des boulangers dont la fabrication consiste principalement en pains de toutes formes et dimensions, préparés avec des farines un peu plus belles quelquefois, mais vendus toujours plus cher proportionnellement : de là le nom de full price qu’on leur donne. On ne comprendrait pas trop cette spéculation, à laquelle le gros des consommateurs ferait défaut, si l’on ne savait qu’en ce pays la noblesse, et par imitation beaucoup de personnes de la bourgeoisie, tiennent à honneur de payer plus cher que le commun des hommes. C’est pour ce public d’élite que sont réservées les premières séances, les premières et parfois les secondes journées de la plupart des exhibitions payantes, c’est-à-dire à peu près de toutes les exhibitions en Angleterre.

Les petits pains de luxe à Londres se réduisent à trois sortes principales : les petits pains qu’on appelle rolls, parce qu’ils ont généralement la forme de rouleaux simples, doubles ou tressés en nattes plus ou moins grosses. Toute cette première variété ne diffère point par la composition du pain ordinaire; la pâte seulement, plus travaillée, a reçu plus de levure, et devient ainsi plus légère. Des pains de luxe d’une seconde variété, désignés sous le nom de muffins, se présentent sous la forme de disques blanchâtres, légers, ayant plutôt une pellicule souple qu’une croûte ordinaire[1]. La troisième variété

  1. On les prépare en ajoutant à la pâte de la levure et de l’eau en plus fortes proportions, puis en effectuant la cuisson dans des vases en tôle mince saupoudrés de farine et munis d’un couvercle. Ces petits pains ronds cuisent enfermés et garantis du rayonnement des parois du four. Ils sont destinés à former des toasts ou des rôties. On sait qu’en Angleterre les gros pains mêmes se consomment en grande partie découpés en tranches et forment des toasts; de là vient sans doute le mode de préparation qui les compose d’une masse de mie cubique compacte ou exempte de grandes cavités.