Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/350

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

frais d’installation et d’entretien. Le succès d’une grande fabrication en ce genre sera au contraire douteux, lorsque ses produits devront faire concurrence aux boulangeries des différens quartiers d’une ville.

Nous venons de voir quelle serait la meilleure organisation de la boulangerie; examinons maintenant quels intérêts elle doit satisfaire. Il y a d’une part les classes aisées, pour lesquelles se fabriquent les pains de luxe, il y a de l’autre la majorité de la population, pour laquelle la fabrication doit se faire avant tout économique. On comprendra que nous donnions ici la première place à l’intérêt économique.

A diverses époques, on voit surgir des inventeurs qui prétendent avoir découvert les moyens de fabriquer le pain à meilleur marché; ces moyens, qui se produisent périodiquement, et dont récemment encore on a eu à s’occuper, excitent toujours de l’intérêt en raison même de l’importance du résultat annoncé. Soigneusement examinés par des commissions spéciales, on a reconnu qu’ils consistent généralement dans l’emploi de la pomme de terre, du son éliminé par la mouture, ou du riz entier ou mis en poudre. A plusieurs reprises, ces procédés ont été l’objet d’expériences exactes. Les résultats obtenus sont aisés à résumer.

L’introduction de la pomme de terre en proportions notables, de 15 à 30 pour 100 par exemple, exige une cuisson et un épluchage préalables, un délayage pénible, entraînant une main-d’œuvre dispendieuse. En somme, le pain obtenu de cette manière est moins blanc, plus compacte, un peu moins nutritif, et son prix de revient est aussi élevé que celui du pain de farine pure, même au cours actuel. En toutes circonstances, on peut l’affirmer, la consommation directe des pommes de terre soumises aux moyens usuels de coction, et qui offrent un pain tout fait, sera toujours beaucoup moins coûteux que la panification de ces tubercules.

Les inventeurs qui emploient le son soumettent ce produit à des lavages énergiques soit à l’eau froide, soit à l’eau chaude : le liquide amylacé ou mucilagineux, extrait à l’aide de pressurages réitérés, sert au lieu d’eau pour délayer les levains et former la pâte avec la farine. On obtient naturellement ainsi une quantité de pain plus grande de toutes les quantités dissoutes ou entraînées par les eaux de lavage du son, généralement même le poids dont le pain est augmenté excède un peu ces quantités; mais il le doit aux plus fortes proportions d’eau que la mie recèle, et ce n’est qu’un surcroît fictif. Le résultat final est encore un pain moins blanc, d’un goût moins agréable, qui peut même contenir quelques matières étrangères plus ou moins insalubres, adhérentes au son, et que le blutage avait éliminées. Quant au prix coûtant du produit, il ne pourrait offrir d’économie, comparativement au pain ordinaire, qu’à la condition