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de substances azotées, grasses et salines; qu’il offre ainsi l’aliment le moins riche sous ce rapport et le moins complet. En examinant de la périphérie au centre un grain de blé, on trouve d’abord à la superficie une pellicule légèrement brune, adhérente par quelques points espacés, sorte d’épidémie ou de cuticule épidermique très mince, formée de cellulose tenace injectée de silice et de matières azotées, mais peu ou pas digestible en raison de sa forte cohésion: ensuite la masse du périsperme, dont les premières couches sont formées d’un tissu cellulaire résistant, qui renferme des matières grasses et azotées. Ces premières couches externes ou corticales constituent la portion du périsperme que l’on peut séparer en larges plaques sous la meule, et qui est désignée sous le nom de son; la plus grande partie, 40 pour 100 environ, de ce résidu de la mouture ne se digère pas. Le surplus, ou la masse centrale du périsperme, renferme l’amidon, le gluten, d’autres matières albuminoïdes, grasses et salines. C’est la partie farineuse du grain.

Dans la bonne préparation de la farine se trouve la base de la fabrication du pain, et cette base, on peut le dire, existe chez nous, car les jurés des nations réunis à Londres en 1851 ont d’une voix unanime décerné la palme de la mouture à l’un des exposans français, M. Darblay jeune, aujourd’hui membre du jury international séant à Paris.

Après avoir emprunté notre système de mouture à l’Angleterre, nous l’avons ensuite tellement perfectionné, que les ingénieurs anglais nous l’empruntent à leur tour, afin de perfectionner la mouture anglaise. L’introduction et les progrès de la meunerie française en Algérie rendent chaque jour de nouveaux services à cette belle colonie : ils attachent à notre cause une partie influente de la population en exonérant les femmes des pénibles travaux de l’écrasage manuel du blé indigène. On voit qu’en cette dernière occasion encore la mouture perfectionnée, ainsi que la fabrication du pain blanc, est comme partout l’un des caractères d’une civilisation progressive. Et cependant en ce moment même des hommes éminens parmi les physiologistes et les chimistes voudraient nous ramener à l’usage du pain contenant à peu près la totalité du son que la mouture perfectionnée peut extraire de la farine! Ils se fondent sur ce fait, vrai d’ailleurs, que dans le son, qui représente la partie corticale sous la première enveloppe du grain, se rencontrent des substances utiles, indispensables même à la nourriture de l’homme. Ce sont les phosphates de magnésie, de chaux et autres sels, les matières organiques azotées spéciales, les substances grasses, amylacées, gommeuses, et de plus un principe actif qui facilite la digestion des substances féculentes. La question, ainsi posée, me semble facile à résoudre.