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est facile d’en tirer dans l’intérêt de la santé publique. Tous parviendront sans peine à formuler et à suivre les règles de l’hygiène appropriée à chaque position sociale. Les gens voués aux rudes labeurs comme ceux qui s’adonnent aux études sédentaires, les hommes de loisir qui s’abandonnent aux douceurs d’une vie tranquille de même que ceux qui se livrent aux fatigues des plaisirs mondains, tous ont intérêt à connaître, à employer les moyens, variables suivant les différentes situations individuelles, d’acquérir et de conserver cet état justement envié, hors duquel il n’est point de félicité durable :

Mens sana in corpore sano.


Or, pour y atteindre, une des principales conditions réside dans une nutrition normale avec des alimens salubres.

Cependant la science et les administrations publiques sont-elles réellement autorisées à intervenir afin d’indiquer et d’assurer aux populations les moyens de réunir ces conditions de santé et de bien-être dépendantes de leur alimentation? L’opinion est généralement favorable chez nous à cette intervention. Il n’en était pas de même, il y a bien peu de temps encore, chez nos voisins de l’autre côté du détroit : je puis citer à ce propos deux faits assez remarquables.

Vers la fin de l’année 1850, chargé par le ministère de l’agriculture d’une mission spéciale en Angleterre, j’allai y étudier plusieurs questions relatives aux subsistances. Avant d’examiner les faits pratiques en ce qui touche une des plus importantes de ces questions, la boulangerie, et dans l’espoir de me rendre l’examen plus facile, je crus devoir prendre connaissance d’abord des règles établies par l’administration publique et des obligations imposées aux fabricans de pain de la Grande-Bretagne, dans l’intérêt des consommateurs. Personne, m’avait-on dit, n’était mieux à portée de me procurer à cet égard des renseignemens exacts que lord Granville. C’est à lui que je m’adressai donc, et toute sa bibliothèque administrative fut mise avec la plus gracieuse obligeance à ma disposition. Lord Granville m’engagea d’ailleurs à consulter aussi le superintendant de la police, qui pourrait m’indiquer les mesures réellement prises pour l’exécution des règlemens, ainsi que les résultats obtenus. Après avoir constaté que les lois en Angleterre laissent libre la profession de boulanger, permettent l’introduction dans le pain de plusieurs céréales et graines légumineuses douées de propriétés nutritives généralement appréciées, tandis que l’emploi de divers sels et substances insalubres est prohibé, — après avoir reconnu aussi que le pesage avec des balances et poids exacts est obligatoire chez tous les commerçans, j’allai compléter mes informations chez le superintendant de la police. Ce magistrat voulut bien, en confirmant les