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ordres de l’Europe. La soumission du prince africain fut complète : il prit de la manière la plus formelle l’engagement que l’on exigeait de lui. Alger et Tunis ne furent pas d’aussi facile composition. Quant à Yousef-Tacha, il craignait qu’on ne voulût le forcer à renoncer à la traite des noirs; voyant que l’on n’abordait pas cette question, il fut ravi d’en être quitte à si bon marché, et cela le rendit coulant pour tout le reste.

Dans les années qui suivirent, Yousef fit quelques expéditions dans l’intérieur du pays pour comprimer des tribus arabes révoltées au sujet des impôts, dont il s’était mis à les accabler afin de combler les vides faits dans ses revenus par la cessation de la course. Il dut aussi faire marcher des troupes contre son propre fils, qui s’était révolté à Bengazi, dont il lui avait donné le gouvernement. Ce fils rebelle fut contraint de s’enfuir en Égypte. Enfin en 1825 Yousef avait réussi à effacer l’humiliation de 1819; d’ailleurs l’insurrection de la Grèce ayant mis le pacha dans le cas d’armer pour aller au secours de l’islamisme menacé, ainsi que les deux autres régences, il en était résulté de la part de ces barbares un retour de jactance et quelques actes de demi-piraterie. Leur insolence se porta d’abord contre la Sardaigne. Le cupide pacha voulut exiger du vice-consul de cette puissance, qui gérait le consulat par intérim, le présent qu’il était d’usage de lui faire à chaque changement de titulaire. Sur le refus de cet agent, il fit abattre son pavillon et déclara la guerre à son gouvernement. La cour de Turin mit alors en mer ses forces navales, qui se présentèrent devant Tripoli le 25 septembre. Le pacha voulut négocier par l’intermédiaire du consul d’Angleterre; mais ayant eu la démence de demander avant tout un cadeau de 30,000 piastres, le chevalier Sivoli, commandant de l’escadre sarde, indigné de cet excès d’insolence, répondit qu’il n’avait à la disposition du pacha que trente mi, le boulets, et fit sur-le-champ commencer l’attaque. L’affaire fut conduite avec tant de vigueur, que le pacha effrayé en passa par ce que voulurent les Sardes, qui montrèrent dans cette circonstance toute l’énergie dont cette brave nation a donné de tout temps et donne encore tant de preuves[1].

En 1826, la France envoya à son tour devant Tripoli une division navale, commandée par M. Arnous des Saulsays, pour exiger la restitution de trois navires romains capturés par des corsaires de cette ville, au mépris de l’engagement de 1819. Le pacha n’attendit pas pour les rendre l’effet des boulets français; il dut payer en outre une forte indemnité aux sujets du saint-siège qui avaient été lésés

  1. Les Napolitains, par des raisons analogues à celles qui avaient fait agir les Sardes, dirigèrent aussi quelque temps après une attaque contre Tripoli; mais ils la conduisirent si mollement, qu’elle ne produisit aucun effet.