Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/285

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fier de notre aristocratie, dit M. Laing : elle n’est pas efféminée. » — « Qui cherche à diviser l’aristocratie et le. peuple? dit M. Lyndsay. Je ne puis la comparer sans orgueil à celles du continent. » — « La composition du personnel administratif n’est rien moins qu’aristocratique, dit M. Chadwick, et les classes supérieures n’ont rien à perdre au concours. » — « Nous ne voulons point d’une révolution même pacifique, » dit la Revue de Westminster, et je lis dans un discours prononcé dans un collège pour les ouvriers par le révérend M. Maurice, donné souvent pour un prédicateur socialiste : « Plébéien que je suis, je ne puis ni n’ose nier que le sentiment de la naissance ne soit une chose précieuse pour un homme et pour une nation... Cette foi qui manque aux Américains, l’Angleterre elle-même en a besoin. Il n’est pas vrai que le sentiment de la famille, le respect des ancêtres soit trop fort parmi nous; il n’est pas de moitié assez fort. Il n’est pas vrai que les membres de notre aristocratie doivent y renoncer. Ils doivent le célébrer et le cultiver en eux-mêmes. Nous devons, s’il nous est possible, le célébrer et le soutenir dans leur sein. C’est là ce qui les préserverait de tout abaissement, de toute cette indolence, cette indifférence, ce goût de la mode et de la richesse que nous leur imputons. » C’est qu’en effet il faudrait une haine aveugle pour mettre au compte de l’aristocratie les abus qu’on déplore. Elle n’a point par privilège les grades de l’armée, encore moins les places de bureau, qu’elle recherche peu. Le défaut d’expérience militaire, s’il existe, est commun à la bourgeoisie comme à la noblesse, et l’une comme l’autre, plus que l’autre peut-être, a besoin de bonnes écoles spéciales. L’aristocratie, étant un élément considérable de la société anglaise, a sa part des reproches adressés à tous ces moyens d’influence, ou si l’on veut, de corruption que couvrent les mots de patronage, interest, job enfin; mais sa part va en décroissant, tandis que celle des classes moyennes augmente. Quand M. Layard disait à la réunion de Drury-Lane qu’il voulait faire commencer le règne des classes moyennes, il venait un peu tard, et il oubliait que dans son propre parti on les accuse d’avoir, depuis leur avènement par la réforme, confisqué à leur profit les faveurs du pouvoir et développé le trafic parlementaire. Il y a tel écrivain réformiste qui ne dissimule guère qu’il regrette les bourgs-pourris, et rien en ce moment ne désigne l’aristocratie comme telle à la jalousie des masses. On semble au contraire enclin à croire que la voix du bien public se fait plus entendre au sein d’une classe consacrée au gouvernement que dans la sphère des professions privées. Ceux qui ont le plus critiqué la nomination de l’infortuné lord Raglan se sont plaints, non qu’il fût un Somerset, mais de ce qu’il était vieux, et le général Simpson n’est point un aristocrate. La démocratie en Angleterre n’a point d’injures à venger ni de haine à