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capacité, ou sera-t-il le jugement comparatif d’un concours? sera-t-il pratiqué par un bureau central ou par des jurys spéciaux? Faudra-t-il donner à ces mesures la solennité d’un acte du parlement ou tout régler par un ordre du conseil, etc.? Telles sont les questions sur lesquelles on se divisait, car personne n’était d’avis de ne rien faire. Voici enfin sur quelle masse d’intérêts il fallait statuer. Les personnes au service du gouvernement sont, d’après les recensemens de 1851, au nombre de 53,678. Il y en a 31,996 touchant de 50 à 150 livres par an, et dont le service n’a rien d’intellectuel, ou paraît si simple, qu’on a proposé, pour une bonne part, d’en charger des entrepreneurs. Sur les 21,682 restant, il y a, dit-on, 840 vacances par an, dont la grande majorité pourrait être remplie par des nominations faites sur preuves de capacité; mais 15,134 de ces fonctionnaires, dont le salaire va de 150 à 800 livres, sont en dehors du personnel des administrations centrales, et ce n’est pas d’eux que s’occupe le plan de réforme. Reste un effectif de 6,494, comprenant depuis le premier ministre jusqu’aux derniers commis, dont le traitement de début est de 80 ou de 90 livres. L’administration proprement dite comprend environ 37 officiers (sans compter la maison royale et les jurisconsultes de la couronne). C’est là, dans le sens large du mot, le ministère. Un tiers à peu près forme le cabinet. Ce corps, non reconnu par la loi, est un sous-comité du ministère désigné par lui-même, et qui, délibérant secrètement, impose ses volontés au reste. Au-dessous, il y a encore en tête de chaque département une partie politique et amovible qui comprend à la trésorerie jusqu’à sept places, et une des deux places de sous-secrétaires d’état créées dans certains ministères. Cet état-major politique doit demeurer soumis aux vicissitudes parlementaires. Quant à l’état-major administratif, il doit être à la fois soustrait à l’influence des partis et à la règle hiérarchique, si l’on veut se conserver le droit de rattacher au service public des hommes d’un mérite exceptionnel. L’ordre établi par le plan de réforme ne s’appliquerait donc que là où commence la hiérarchie remplie par avancement. C’est au maximum 4 ou 5,000 places, et par an 200 nominations. Voilà le champ de la réforme administrative[1].


VI.

On en était là, quand les événemens de Crimée sont venus inspirer aux Anglais une défiance générale de la force de leur gouvernement. Soudain la réforme administrative a été promue au rang d’une

  1. North British Review, n° 45.