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établit que le service civil n’est pas constitué de manière à se recruter des hommes les plus capables. Les emplois sont convoités par ceux qui ont le moins d’ambition et d’activité, parce que le travail est léger et la retraite assurée. Les commençans (junior clerks) sont choisis suivant les caprices du patronage. Ils ont pour éducation professionnelle la routine des bureaux, et l’avancement à l’ancienneté les dispense de tout effort. Toutes les parties du service étant isolées les unes des autres, personne n’en peut, par la pratique, acquérir une connaissance générale et systématique. Aussi les emplois suprêmes sont-ils pour la plupart donnés à des personnes étrangères à l’administration, et qui n’y devraient entrer qu’à titre d’exceptions. Il importe qu’un acte du parlement mette un terme à cet état de choses, en relevant la position des employés, en substituant la promotion par mérite à l’avancement par ancienneté, en prescrivant un système de rotation entre les divers bureaux, en organisant enfin un bureau central qui, à certaines époques, citerait devant lui les jeunes candidats, les examinerait sur l’histoire, la jurisprudence, l’économie politique, les langues modernes, en suivant un programme spécial pour les divers ordres de fonctionnaires, et dresserait, par ordre de mérite, une liste d’admissibles qui seraient successivement appelés au fur et à mesure des vacances.

Ce projet est devenu le texte d’une intéressante controverse. Parmi les personnes consultées, les universitaires ont en général donné leur approbation. On distingue aussi, au nombre des témoignages favorables les mieux motivés, ceux de M. Rowland-Hill, secrétaire de l’administration des postes et fonctionnaire très estimé; de M. Edwin Chadwick, commissaire du bureau général de la santé, qui s’est exprimé plutôt avec le ton d’un critique spirituel que d’un praticien exercé; de M. Henri Cole, un des secrétaires du département des sciences et des arts; enfin de M. John Stuart Mill, le fils de l’économiste et de l’historien de l’Inde, qui lui-même remplit un emploi important dans l’administration de la compagnie, et qui s’est distingué par ses écrits originaux sur l’économie politique et la logique. Les exemples empruntés à la compagnie des Indes venaient de droit dans l’enquête. D’abord elle est une de ces entreprises privées dont on recommande si fortement l’imitation au gouvernement. Puis, lorsqu’en 1853 son privilège a été prorogé, un acte du parlement a aboli toute nomination de patronage, et ordonné que des règles d’admission seraient déterminées par le bureau du contrôle. Dans le service médical, les places ont été données au concours, et l’on a vu un Hindou sortir d’épreuve avec un grand succès. Par les soins de lord Ashburton et de M. Macaulay, qui a défendu ce système dans un beau discours, un programme scientifique et littéraire,