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autre qui se serait posé la question : quel est le travail nécessaire? comment doit-il être exécuté? aurait eu besoin d’une clairvoyance et d’un courage!...


« Le seul ennemi que nous ayons dans cet univers est la stupidité, l’obscurité d’intelligence des pédans. Vanité que la réforme parlementaire, que l’invention déboîtes à scrutin (ballot boxes)... l’administration réelle va tout de travers. — Qui sera premier et prendra en main la barre du gouvernail, autrement dit le bondon de. la taxation? Sera-ce l’honorable Félix Parvulus ou le très honorable Felicissimus Zéro? Avec toute notre électionnerie, et nos débats pour Hansart[1], et notre patience à supporter sans fin cette tempête de jargon qui porte eu tout lieu son ravage, nous travaillons à résoudre cette grande question, à déclarer enfin, sans une goutte de sang versé, hormis le sang insignifiant de quelques nez cassés en temps de hustings, mais avec immense effusion de bière et d’encre, et avec une explosion de non-sens qui obscurcit toute l’atmosphère, que le très honorable Zero sera l’homme. Quand nous l’avons fermement établi, Zero, tout tremblant de ravissement et de terreur, monte sur le haut de la selle, s’y cramponne avec les genoux et les talons, les mains et les pieds, et le cheval galope — où il veut. Le très honorable Zero devrait essayer de diriger le cheval; mais, s’attachant de l’éperon et des griffes, il est trop heureux si le cheval daigne seulement galoper quelque part et ne pas le jeter par terre. Des mesures, une politique, un plan ou un programme de bien ou de mal public, ne sont pas choses à rencontrer dans la tête de Felicissimus, hormis qu’il ne puisse inventer quelque affaire de ce genre qui plaise à son cheval pour l’instant, et qui l’encourage à aller d’un pas plus doux à Dieu ou au diable, comme cela se pourra, et à ménager la peau de Felicissimus, laquelle s’use vite. Voilà ce que nous appelons un gouvernement en Angleterre depuis tout à l’heure deux siècles. — Un noble mortel ayant à la fois sagesse naturelle et pratique expérience, une véritable intelligence d’homme, et non celle d’un automate de bureau (red tapish), d’une chouette et d’un pédant, apparaissant là dans ce sombre chaos Downing-Street, avec la parole du commandement, et venant y brandir, à la manière d’Hercule, la pelle et le balai divin, y faire passer un courant d’eau et nous dire avec un fiat : « Ici sera la vérité, un travail vrai, et le talent pour l’accomplir désormais; je chercherai, je le veux, les hommes capables pour travailler ici, ce sera l’élixir de vie pour ce pauvre pays et pour moi : » que ne pourrait pas faire un tel homme en cet endroit-là ! »


Voilà bien l’esprit de réforme aveugle, tranchant, qui ne regarde à rien et critique tout. Cependant, depuis qu’on s’est mis à s’en occuper sérieusement, l’autre esprit de réforme, celui qui raisonne et ne déclame pas, s’est trouvé dans la littérature politique d’autres antécédens qui seront plus appréciés par les esprits sages.

M. Henri Taylor est un homme de lettres, un poète même, peu

  1. Hansart, nom du premier éditeur de la collection des débats parlementaires.