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il prescrivait des peines contre les raïs qui useraient du droit de visite d’une manière vexatoire pour notre commerce. Toutefois les abus reprirent bientôt le dessus, et en 1766, une escadre, commandée par le prince de Listenois, se présenta à Tripoli pour exiger le redressement de quelques griefs. Sous Louis XVI, à une époque où la guerre d’Amérique nous relevait de notre affaissement de la paix de 1763, les Tripolitains ayant capturé dans les eaux de la Provence un bâtiment génois, une réparation fut énergiquement exigée. On signa à cette occasion cinq nouvelles additions au traité de 1729. Nos rapports avec la régence de Tripoli continuèrent ainsi jusqu’à la période révolutionnaire.

Au commencement de cette période, Ali, fils d’Ahmed Caramanli, régnait à Tripoli dans un âge fort avancé. Son règne avait été longtemps prospère, mais la fin en fut marquée par de cruels chagrins, en 1790, son fils aîné fut tué par Yousef, son troisième fils. Ce fratricide fut sur le point d’amener une guerre civile. La guerre fut conjurée et la paix rétablie entre les partis; mais, nouveau David, Sidi-Ali, le vieux pacha, fut obligé de recevoir en grâce son coupable fils. Dans l’été de 1793, on vit subitement paraître un jour devant Tripoli une flottille assez considérable composée de quelques bricks armés et d’un certain nombre de transports, le tout portant pavillon ottoman. Le bruit se répandit sur-le-champ en ville que c’était un armement envoyé par la Porte pour chasser les Caramanli, et que le pacha qui devait les remplacer était à bord. Aussitôt le vieil Ali-Caramanli s’effraie, perd la tête, et, sans tenter la moindre résistance, s’enfuit avec sa famille vers la frontière, d’où il devait gagner plus tard Tunis. Le chef de la mystérieuse expédition débarqua sans obstacle, s’installa au château, et fit reconnaître son autorité dans tout le pays avec une facilité merveilleuse. Or ce n’était pas un pacha envoyé officiellement par la Porte; c’était un simple aventurier appelé Ali-Bourgoul, qui avait conçu et exécuté à ses risques et périls cette audacieuse entreprise, appuyé sous main, il est vrai, par le capitan-pacha, et par conséquent à peu près sûr d’être avoué par la Porte s’il réussissait. La rapidité de ses premiers succès lui donna, malheureusement pour lui, tant de confiance dans sa fortune, qu’il chercha peu après à se rendre maître de l’île tunisienne de Djerbah. Non-seulement il en fut repoussé, mais le boy de Tunis, indigné de cette attaque, résolut de rétablir les Caramanli à Tripoli, ce qu’il exécuta sans grandes difficultés. Les troupes qu’il fit marcher ne rencontrèrent presque pas de résistance, et la restauration des Caramanli fut presque aussi rapide que l’avait été leur chute. Le vieux pacha Ali revint de Tunis; mais il ne voulut pas reprendre le pouvoir, qu’il laissa à son fils Ahmed. Quant à Ali-Bourgoul, il passa à