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le fait accompli, et le nomma lui-même pacha. La famille des Caramanli a régné à Tripoli de 1714 à 1835.

Les Barbaresques de Tripoli se livrèrent, comme ceux des autres régences, à la course contre les chrétiens; mais pendant longtemps la France n’eut pas à s’en plaindre autant que des Algériens et des Tunisiens. Cependant, vers l’an 1683, ils se permirent des insolences que Duquesne punit par la destruction d’un grand nombre de leurs corsaires. Ils s’humilièrent et demandèrent la paix, qu’ils obtinrent. Comme ils ne tardèrent pas à la violer, le maréchal d’Estrées reçut ordre d’aller les mettre à la raison en 1685. Il arriva devant Tripoli le 19 juin et commença le bombardement le 22. Le 24, il envoya reconnaître à terre un emplacement pour y établir une batterie; mais les Tripolitains effrayés se hâtèrent de faire leur soumission. Tous les esclaves furent rendus, et la ville paya une contribution de 500,000 fr. La paix fut signée le 29 juin.

Malgré les leçons que les Tripolitains avaient reçues, ils violèrent encore ce traité. Par suite de cette nouvelle rupture, notre consul fut arrêté, resta six mois en prison, et la France dut aimer de nouveau en 1692 contre ces insolens barbares, qui, forcés de céder, conclurent le 5 juin 1093 un nouveau traité, lequel fut renouvelé le 5 juin 1720. En 1728, la guerre ayant recommencé, une division navale, commandée par M. de Grandpié, bombarda Tripoli. Les hostilités continuèrent jusqu’à l’année suivante. Les Tripolitains, craignant une destruction totale, demandèrent alors la paix avec les plus vives instances; le traité fut signé le 2 août 1729. Le style de cet acte est remarquable; il y est dit que le roi de France, en conséquence du repentir que le pacha-dey, le divan et la milice de Tripoli ont témoigné des infractions qu’ils ont commises au dernier traité de paix et du pardon qu’ils demandent, veut bien leur accorder la paix.

Une clause de ce traité, comme du précédent, établit que les corsaires tripolitains recevraient des passeports de notre consul, moyennant quoi ils sciaient respectés par nos bâtimens de guerre et admis dans nos ports, à la condition de ne pas faire de prises sur leurs ennemis à moins de dix lieues de nos côtes. Le droit de visiter ces corsaires est accordé à notre marine militaire, mais réciproquement le droit de visiter nos bâtimens marchands est accordé aux corsaires. Ce principe était de droit public avec toutes les régences barbaresques; il prouve que les grandes puissances d’alors méritaient le reproche qu’on leur a adressé de vouloir laisser exister la piraterie pour gêner le commerce des petites. La manière dont le droit de visite était exercé par les Tripolitains finit par entraîner de tels abus, que la France dut en exiger la répression. Le 25 mai 1752, un article, négocié par notre consul, M. Caulet, fut ajouté au traité de 1729.